Rallonge budgétaire au compte-gouttes, rapprochement public-privé, soins d’urgence confiés aux médecins de ville… Le plan présenté hier ne répond à aucune des revendications exprimées par un personnel soignant à bout de souffle.
Pour
sa réforme majeure du quinquennat, Emmanuel Macron prétend mettre « le
patient au cœur du système », « développer la prévention et la qualité
des soins ». « Mon ambition est que notre système de santé soit le
pilier de l’État providence du XXIe siècle », a expliqué le président,
hier matin à l’Élysée, avant de décliner quelques-unes des mesures
phares du plan Santé 2022 dont la suppression du numerus clausus, la
création d’un nouveau métier de conseiller médical, le recrutement de
400 médecins salariés pour les déserts médicaux et l’arrêt progressif du
financement à l’acte (T2A) à l’hôpital et en ville. Emmanuel Macron a
tenu à présenter lui-même le cap de la transformation du système de
santé, d’ailleurs différée plusieurs fois ces derniers mois. Son premier
avertissement a été clair : « Notre système ne souffre pas d’un manque
de moyens mais d’une organisation inadaptée aux besoins d’une population
vieillissante et aux évolutions technologiques. » Difficile toutefois
d’ignorer les plaintes des soignants que rappellent les centaines de
mouvements de grève dans les Ehpad, les hôpitaux publics, les cliniques
et dans le secteur de la psychiatrie. 1 700 mouvements ont été recensés
en un an par les syndicats. 400 millions d’euros d’investissements
supplémentaires seront programmés en 2019 pour financer la réforme. Et
quelques revalorisations salariales promises, notamment aux
aides-soignants des Ehpad. La progression de l’Ondam, qui fixe le niveau
des dépenses d’assurance-maladie, passera quant à elle de 2,3 % à 2,5
%. Un projet de loi sera présenté à la rentrée 2019.
1 La fin de la pénurie de Médecins pas pour demain
Depuis 1971, le numerus clausus plafonnait le nombre de
médecins formés chaque année. La logique voulait qu’en limitant leur
nombre, en fait l’offre de soins, on limiterait les dépenses de santé.
Pendant près de quinze ans, le nombre de médecins en formation a été
divisé par deux pour atteindre moins de 4 000 par an. 25 % des nouveaux
praticiens ont obtenu leur diplôme hors de France. La pénurie touche en
particulier les généralistes alors que le nombre de spécialistes est en
progression. La levée du numerus clausus permettra-t-elle de former plus
de médecins, notamment généralistes, les plus à même de coordonner les
parcours de soins ou de développer des plans de prévention, axe majeur
du plan santé ? Emmanuel Macron n’en a rien dit. Pas de chiffres. Le
président s’en est tenu à une affirmation : les études médicales
nécessairement réformées resteraient « sélectives » et leur
« excellence » garantie. Son entourage est un peu plus bavard. Au
cabinet de l’Élysée, on n’écarte pas le risque que les étudiants soient
moins nombreux à l’arrivée.
2 Quelques médecins salariés face aux déserts médicaux
Pas de coercition. À la manière forte d’une obligation
d’installation, Emmanuel Macron préfère l’appel « à la responsabilité
collective » des médecins libéraux. Le président y croit. L’État mettra
pourtant la main à la poche et financera, dès 2019, 400 postes de
médecins salariés pour les territoires dont la situation est la plus
critique. Un petit pas alors que 20 % de la population vivent en zone
« sous-dense ». Ces salariés seront rattachés à un hôpital ou un centre
de santé ou à d’autres structures comme les maisons de santé, publiques
ou privées. « La porosité entre le système libéral et l’hôpital doit
s’imposer », selon le président. Ces postes devront être attractifs mais
tout reste à négocier, leur statut et leur rémunération.
3 Des médecins libéraux pour accueillir les urgences
Le gouvernement compte sur les médecins généralistes
libéraux pour assurer les soins de premiers secours, la proximité avec
les patients mais également les urgences de jour. Ces derniers sont
fermement invités à se regrouper au sein de maisons de santé. Et à
rejoindre les communautés professionnelles de territoires de soins
(CPTS) auxquelles devraient incomber les urgences de jour et
l’organisation de la coordination des soins. Ainsi, il faudra en passer
par le regroupement et la CPTS pour bénéficier des aides de l’État pour
le recrutement d’un poste d’« assistant médical » en particulier.
Mi-médicaux, mi-admnistratifs, les 4 000 postes de ce nouveau métier
seront financés dès 2019. « Nous les financerons autant que
nécessaire », a indiqué Emmanuel Macron, arguant que le soutien apporté
par ces assistants permettrait un gain de « temps médical » de 20 à 30
%, soit l’équivalent de 2 000 postes de praticiens. Le président a, par
ailleurs, précisé qu’il souhaitait « l’extinction » de la pratique de la
médecine en cabinet isolé d’ici à 2022.
4 L’hôpital public relégué en deuxième ligne
Que l’hôpital soit privé ou public, les frontières entre
les deux secteurs doivent tomber et les statuts des professionnels se
mêler pour « coopérer », « s’associer », a expliqué Emmanuel Macron.
L’hôpital sera réorganisé à l’aune de la « gradation des soins » pour en
assurer « la qualité ». Trois niveaux d’établissement sont envisagés,
conformes aux préconisations des experts du Haut Conseil pour l’avenir
de l’assurance-maladie (HCAAM) dans un rapport de juin dernier. Les
hôpitaux de proximité n’assureront plus que des soins de premier niveau,
des soins de suite après hospitalisation pour les personnes âgées
notamment. « Des services pourront fermer, d’autres ouvrir. Je préfère
qu’une personne soit opérée à 50 kilomètres de chez elle plutôt que dans
un hôpital où je ne mettrais pas mon enfant », a commenté le président,
reléguant donc plus loin les soins spécialisés et encore plus loin les
soins « ultra-spécialisés ». Les groupements hospitaliers de territoire
(GHT) sont maintenus, mais Emmanuel Macron a annoncé que le privé
siégerait désormais dans leurs instances, insistant une fois de plus sur
la « coopération » public-privé, préconisant à titre d’exemple le
partage de plateaux techniques. Emmanuel Macron a aussi évoqué le virage
ambulatoire pour souhaiter son accélération, donc la poursuite de la
suppression de lits, et appelé à une « révolution du numérique de la
médecine ».
5 pas de révolution budgétaire pour les hôpitaux
Les effets funestes du paiement à l’acte, la fameuse
tarification à l’activité ou T2A (course à l’activité, industrialisation
du système de soins hospitaliers avec les conséquences que l’on sait
sur les conditions de travail des personnels de l’hôpital public)
avaient plus ou moins condamné le système. Le paiement au forfait,
expérimenté à partir de 2019 pour deux pathologies chroniques, le
diabète et l’insuffisance rénale, renversera-t-il la vapeur ? C’est peu
probable puisque c’est encore l’activité de soins qui financera
l’hôpital et rémunérera les médecins de ville. Quant à l’augmentation de
l’objectif de dépenses d’assurance-maladie de 400 millions d’euros,
elle pèse bien peu face aux deux milliards d’euros d’économies annoncées
par dans le rapport annuel « charges et produits » de la Cnam qui
préfigure le budget de la Sécurité sociale.
Source : L'Humanité, 19/09/2018.
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