vendredi 19 octobre 2018

De l’usage de la bienveillance dans la pratique soignante

Dans ce nouveau cours, Christine Paillard nous parle de douceur et de gentillesse, deux qualités indispensables aux soignants. Cependant, elle évoque aussi la notion de cécité empathique transitoire. Une expression qui peut sembler vague mais qui se rapporte à la pratique lors des soins, notamment lors de la contention en pédiatrie. Lorsqu’ un professionnel de santé se focalise sur le geste technique, ne fait-il pas taire son empathie ?

De l’usage de la bienveillance dans la pratique soignante
Peut-on être doux sans être gentil ou être gentil sans être doux ?
Le choix a été fait, l’un est le synonyme de l’autre.

Chaque mois, Christine Paillard, ingénieur pédagogique, propose d'analyser un mot, son étymologie et démontre son importance dans le domaine du soin ; un mot figurant dans son Dictionnaire des concepts en sciences infirmières- Vocabulaire professionnel de la relation soignant-soigné.
Pour 4e édition du Dictionnaire des concepts en sciences infirmières, j’évoque la douceur, la gentillesse, mais aussi les bêtises ou encore la cécité empathique transitoire.
Ces quatre nouvelles entrées peuvent nous interpeller, peut-on être doux sans être gentil ou être gentil sans être doux ? Le choix a été fait, l’un est le synonyme de l’autre. Si la cécité empathique transitoire interroge la contention lors des soins pédiatriques, peut-on alors, user de gentillesse pour effectuer cette pratique ? C’est Bénédicte Lombart qui alimente notre cheminement. La gentillesse a été décrite dans le champ philosophique, historique. J’ai contacté Emmanuel Jaffelin (Petit éloge de la gentillesse) pour contextualiser son travail en lien avec la bienveillance, le management. Enfin, peut-on répondre doucement ou gentiment à un enfant qui fait une bêtise ? Nous verrons, avec Catherine Dolto qu’il n’y a pas une bêtise mais bien plusieurs situations défiant de possibles réponses adaptées aux circonstances. En quelques mots, les derniers collaborateurs du Dictionnaire des concepts en sciences infirmières éclairent finement des concepts pour le plaisir des soignants et des étudiants.
La douceur implique une qualité, annonce ce qui est doux, calme, modéré, nuancé, tempéré, comme parler à voix basse, poser délicatement un objet. La douceur éveille nos cinq sens, quand c’est agréable à regarder (la vue), à entendre (l'ouïe), par un geste lent (le toucher), pour qualifier une odeur (olfaction), avec une friandise (le goût). Au sens figuré, elle relève du bien-être, comme la douceur de vivre. “Ah, comme il est doux de vieillir et de rester assis quand tout s’agite autour de vous”.  La douceur est dépourvue de rigueur, de sévérité. C’est aussi la qualité morale d’une personne, la manifestation physique d’un trait de caractère de nature conciliante, patiente.  “Cet infirmier, c’est la douceur incarnée !” La douceur peut faciliter des échanges verbaux : “ une parole douce calme la fureur, mais une parole dure excite la colère”. La douceur peut aussi se révéler flatteuse quand il s’agit d'obtenir avec ruse : “il m’a bien trompé avec ses douces paroles mielleuses”. La douceur est paisible mais néanmoins active pour agir avec précaution : “elle déposa doucement ses affaires dans sa chambre d’hôpital avant de se retirer sans bruit”. Le soignant peut privilégier la douceur et le rythme de la personne. La douceur et le geste qu’elle suppose est un acte volontaire. “Même si la douceur ne se résume pas à l’intention qui la convoque ou l’espère, amenant le geste, la voix ou la pensée à s’imprégner d’elle, elle ne peut se déployer sans l’ineffable vers lequel elle fait signe. L’apaisement, le délice, le tact, la délicatesse, la vertu spirituelle et physique qu’elle délivre sont contenus dans l’intention de celui qui s’expose à la douceur comme à celui qui la destine à autrui. (A. Dufourmantelle , 2012)”.
Une personne gentille ne pourra peut-être pas, à tout moment, exprimer cette volonté de bien faire. La gentillesse peut être une technique de soin liée à l’humanitude.

La gentillesse : une qualité relationnelle

La gentillesse est “ce qui n’est pas brutal”, ce qui implique un comportement charmant, prévenant, désintéressé. C’est une qualité relationnelle, éthique humaniste qui suppose une “attention qu’une personne porte à une autre dans une attitude de gentillesse, de courtoisie, de considération et de respect. Ces qualités deviennent donc les composantes de l’humanité : être humain signifie les posséder et en faire usage dans ses rapports avec autrui (Murove Munyaradzi F, 2011)”.  Se dire des gentillesses est aussi une façon ironique pour s’invectiver ou encore, quand il s’agit de prévenir d’un mauvais traitement “je m’en vais lui dire des gentillesses à celui-là”. La gentillesse peut aussi susciter de la méfiance quand il s’agit d’action volontaire pour rabaisser, elle est alors synonyme de simplicité, d’idiotie. Une personne gentille peut aussi décevoir, en effet la gentillesse ne garantit pas une réponse adaptée et simultanée. Une personne gentille ne pourra peut-être pas, à tout moment, exprimer cette volonté de bien faire. La gentillesse peut être une technique de soin liée à l’humanitude. Quand une personne est dite trop gentille, elle peut être vulnérable. Abuser de la gentillesse de quelqu’un signifie qu’une personne semble trop généreuse, voire naïve, “comment en sommes-nous arrivés à considérer l’avènement possible de l’humanisme comme suspect, la gentillesse comme un risque ?1 ”. Une personne gentille est une personne qui interagit sans vouloir du mal aux autres. Elle n’est pas pour autant dépourvue de complexité, elle interagit avec son univers intérieur.

(...)

Source : Infirmiers.com, 24/09/2018.
Article intégral en ligne : https://www.infirmiers.com

Aucun commentaire :

Enregistrer un commentaire