dimanche 30 juin 2019

Santé. Feu vert (médical) pour le cannabis thérapeutique

Dans son avis définitif publié aujourd’hui, le comité scientifique consacré au cannabis médical propose une « expérimentation » pour cinq pathologies, dès 2020. Une avancée prudente, qui attend désormais le soutien du gouvernement. Pour l’heure, les malades, eux, souffrent et/ou se débrouillent. Toujours dans l’illégalité.

 

Production de cannabis thérapeutique sur le site européen du groupe canadien Tilray, à Cantan hede, au Portugal. Patricia de Melo Moreira/AFP
Production de cannabis thérapeutique sur le site européen du groupe canadien
Tilray, à Cantan hede, au Portugal. Patricia de Melo Moreira/AFP

Le gouvernement a sèchement fermé la porte, la semaine dernière, à une légalisation du cannabis récréatif. En sera-t-il autrement pour sa version thérapeutique, seule à même, semble-t-il, de soulager des dizaines, voire des centaines de milliers de patients victimes de douleurs chroniques insupportables ? Le comité d’experts mis en place par l’Agence du médicament (ANSM) y est favorable, lui qui a été chargé, à l’automne dernier, d’évaluer « la pertinence et la faisabilité de la mise à disposition du cannabis thérapeutique en France ». Alors qu’une dernière réunion était organisée mercredi avec les associations de patients et les professionnels de santé, la structure pilotée par le psychiatre et pharmacologue Nicolas Authier doit rendre aujourd’hui son avis définitif. Son issue ne fait guère de doute. Le comité a déjà validé, en décembre, la « pertinence » de la démarche. Et a livré ses « préconisations », le 19 juin, sur la façon dont devrait se dérouler la « mise à disposition » de ce produit sensible, déjà utilisé clandestinement par de nombreux malades. En France, on estime qu’il y a 1,4 million d’usagers réguliers du cannabis, et 700 000 usagers quotidiens, dont un tiers pour des raisons thérapeutiques.

D’après le plan du comité Authier, une expérimentation serait menée « en situation réelle », pour cinq pathologies spécifiques : les douleurs neuropathiques (résultant de lésions nerveuses) non soulagées par d’autres thérapies, les épilepsies résistantes aux traitements, les effets secondaires des chimiothérapies, les soins palliatifs ainsi que les contractions musculaires incontrôlées (spasticités) de la sclérose en plaques. « Des pathologies choisies en fonction des données scientifiques disponibles et qui sont en tête des prescriptions de cannabis dans le monde, là où cela a été légalisé », précise Nicolas Authier. Différents dosages des deux principes actifs majeurs du cannabis (le THC et le CBD) seraient proposés, prescrits par les seuls médecins spécialistes des indications choisies, s’ils sont « volontaires » pour participer et se former. Exit le fameux joint – la combustion étant nocive pour la santé –, les experts recommandent d’utiliser deux formes principales de cannabis : celles à « effet immédiat » (huile et fleurs séchées pour inhalation) et celles à « effet prolongé » (solutions buvables et capsules d’huile).

« Nous avions la crainte que les fleurs ne soient pas autorisées. Aujourd’hui, le comité les promeut, c’est une bonne nouvelle », a réagi Bertrand Lebeau, médecin addictologue qui soutient le collectif Alternative pour le cannabis à visée thérapeutique (ACT). Coprésident du collectif, Bertrand Rambaud, séropositif depuis trente-cinq ans et utilisateur de cannabis depuis quinze, regrette, lui, le cadre trop contraint de cette expérimentation. « Cinq pathologies retenues, c’est bien peu quand l’Association internationale pour le cannabis médical (IACM) en recense 41 pour lesquelles il est efficace. De même, limiter la prescription aux seuls médecins spécialistes risque de tuer dans l’œuf cette expérimentation. Ces médecins sont déjà surbookés, ils ne prendront pas le temps de se former. » Conscient du risque, Nicolas Authier défend ce qu’il présente comme une « mesure de précaution ». « Beaucoup de médecins, et notamment les généralistes, restent dubitatifs sur l’utilité du cannabis, pollués sans doute par l’image négative qu’il conserve. L’expérimentation permettra de voir si ce cadre est trop restrictif. »

Source : L'Humanite.fr, 27/06/2019.


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