vendredi 21 juin 2019

Urgences Pourquoi rien n’est réglé à l’hôpital

Alors que 250 services d’urgences sont désormais en grève, la ministre de la Santé Agnès Buzyn a présenté le 9 septembre son « pacte de refondation des urgences ». Mais les mesures restent très en-deçà des besoins.


Quatre-vingt-dix services d’urgence en grève en juin. 250 début septembre. La ministre de la Santé Agnès Buzyn a dû se rendre à l’évidence : la guerre d’usure contre les soignants n’a pas porté ses fruits. Elle a donc dégainé un « pacte de refondation des urgences », tiré d’une « mission flash » réalisée cet été par le député LREM Thomas Mesnier et le président du Conseil national de l’urgence hospitalière, Pierre Carli.
Parmi les mesures phares : la création d’un numéro unique de service d’accès aux soins (SAS), disponible 24 heures sur 24 pour orienter les patients selon leurs besoins vers une téléconsultation, un médecin généraliste, les urgences ; une réforme du financement des urgences prévue pour 2021 ; et 754 millions d’euros sur trois ans qui viendront s’ajouter aux 70 millions d’euros annoncés avant l’été.
La ministre n’a pour l’heure accédé ni à la demande de réouverture de lits pour éviter les hospitalisations sur brancards, ni à la revalorisation salariale de 300 euros nets mensuels ni à la création de 10 000 postes supplémentaires, revendications portées par le collectif Inter-Urgences, fer de lance de la mobilisation. Les 754 millions d’euros annoncés seront puisés dans des crédits existants. Pas étonnant donc que le collectif, réuni en AG ce mardi 10 septembre, ait voté la poursuite de la grève.
Les symptômes de la crise de l’hôpital, dont les urgences sont la partie la plus visible, sont connus. « Plusieurs fois par jour, on entend “je n’ai pas réussi à avoir un rendez-vous avec un médecin” », explique Virginie Turrel, infirmière aux urgences de Valence depuis douze ans.
D’autant qu’à Valence, comme dans certains autres hôpitaux, entrer par les urgences est devenu une habitude. Un patient qui doit voir son oncologue et passer un scanner se voit répondre : « Passez par les urgences ». « C’est la seule porte d’entrée, car c’est aux urgentistes de trouver un lit », indique encore l’infirmière, en grève depuis le 27 mars et membre du collectif local Y’a de la colère dans le cathéter et du collectif national Inter-Urgences.

De plus en plus de patients

Le nombre de patients augmente constamment sans que les effectifs suivent. Au niveau national, on comptait 21 millions de passages aux urgences en 2016, contre 10 millions en 1996, soit une augmentation de 3,5 % par an en moyenne depuis 1996, selon un rapport du Sénat. La Cour des comptes évalue à 20 % le nombre de patients qui pourraient être pris en charge dans les cabinets des médecins en ville.
« En plus des arrivées, on nous demande de gérer en aval les hospitalisations », qui concernent 25 % des passages à Valence. « Les hospitalisations-brancard, c’est toutes les nuits », complète Virginie Turrel. Au départ destinés aux situations vitales, type accidents de la route, les 740 services d’urgences de l’Hexagone gèrent de plus en plus de complications chroniques. Elles sont « un miroir grossissant des dysfonctionnements de l’ensemble de notre système de santé, en amont comme en aval », souligne le rapport du Sénat.
La grève commencée en mars, a eu pour déclencheur une agression de soignants par un patient à l’hôpital Saint-Antoine à Paris. « Les soignants disent qu’à force d’être maltraités, ils deviennent maltraitants », résume la sociologue Fanny Vincent, coautrice de La casse du siècle1. « Pour les patients concernés, l’hospitalisation commence toujours trop tard. En attendant d’avoir un lit, ils sont sur un brancard dans un couloir, avec une lumière crue, et sans les perfusions aux heures dues, car on gère les arrivées en même temps », illustre Virginie Turrel. C’est aussi qu’à côté des grands chefs de service, en position de force pour négocier face à la direction, les urgences sont les parents pauvres.

Manque de moyens

Face à cette situation, la réponse des dirigeants demeure cosmétique. En juin, Agnès Buzyn déclarait encore pour refuser la revalorisation salariale de 300 euros mensuels : « Les problèmes ne vont pas se régler parce que je paye davantage ». Les effets d’annonce se multiplient, comme en témoigne le « plan Ma Santé 2022 » et la loi sur l’organisation et la transformation du système de santé, votée cet été, censés garantir « la possibilité pour chaque Français d’être soigné tous les jours de la semaine jusqu’en soirée et le samedi matin sans devoir passer par l’hôpital ».
Mais ces textes restent dans la droite ligne des politiques austéritaires engagées jusqu’à présent, qui considèrent que la solution pour remettre sur pied un système à bout de souffle réside dans une meilleure efficience dans l’organisation des soins. « Les dirigeants restent prisonniers du dogme selon lequel il n’y a aucun problème de pénurie de personnel à l’hôpital, et que tout est une question d’organisation », résume l’économiste Philippe Batifoulier.
Le vrai problème tient pourtant à la taille du gâteau alloué à l’hôpital chaque année. Si les budgets augmentent, ils ne progressent pas assez pour répondre aux besoins : une population qui croît, qui vieillit et des progrès thérapeutiques qui coûtent cher. Voilà plusieurs années que l’hôpital fait les frais des contraintes fortes qui pèsent sur les dépenses publiques, comme l’a montré le haut fonctionnaire Pierre-Louis Bras2. « Parce que les dépenses hospitalières sont plus directement contrôlables par les pouvoirs publics, elles peuvent compenser un éventuel surcroît de dépenses sur la médecine de ville », écrit-il.
Depuis 1997, l’Etat contrôle les dépenses de santé par le biais des lois de financement de la sécurité sociale et de l’Ondam, l’Objectif national des dépenses d’assurance maladie, qui représente le montant des dépenses publiques d’assurance maladie à ne pas dépasser (voir graphique). L’Ondam s’élevait à 191 milliards d’euros en 2017, soit 15 % de l’ensemble des dépenses publiques. Et les hôpitaux publics comptaient pour près d’un tiers de l’Ondam. Maîtriser les dépenses des hôpitaux publics permet de respecter l’Ondam.

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Source :  alternatives-economiques.fr
Article intégral en ligne : https://www.alternatives-economiques.fr

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