jeudi 17 décembre 2020

Après le choc de 2020, une reprise prudente

L’accélération de la croissance de l’économie française reste dépendante du calendrier sanitaire.

Parfois, la prudence est bonne conseillère. Les économistes, qu’ils émargent à l’Insee, à la Banque de France ou à l’OFCE, ont sans doute bien fait de s’en souvenir ces derniers mois en établissant prévisions et diagnostics. Quand certains − ceux de l’Insee − préféraient ne pas tenter de prévoir l’imprévisible, d’autres voyaient la crise effacée début 2022. A quinze jours de la fin de 2020, un consensus prévaut : la récession liée à la pandémie de Covid-19 aura coûté environ dix points de PIB à l’économie française.

L’Insee, dans la note de conjoncture publiée mardi 15 décembre, estime à 9 % la chute du PIB sur cette année funeste, en accord avec les prévisions de la Banque de France publiées la veille, tandis que l’Observatoire français des conjonctures économiques se montre un peu plus pessimiste, avec un recul du PIB de 9,5 % sur l’année.

Voilà pour 2020. Et ensuite ? Relativement optimiste à la rentrée de septembre en raison du fort rebond enregistré après le premier confinement, la Banque de France ne voit pas de retour à la situation d’avant-crise avant mi-2022. La reprise en 2021 sera progressive, avec une croissance de l’activité de 5 % sur l’année, a prévenu lundi 14 décembre le gouverneur François Villeroy de Galhau, tout en insistant sur le fait qu’il s’agissait d’un scénario « prudent ».

Encore moins téméraire

Mardi, l’Insee, qui n’a pas manqué de relever les signaux qui passent une nouvelle fois au rouge – comme les nouvelles mesures de restriction en Allemagne −, s’est montrée encore moins téméraire. Les statisticiens nationaux préfèrent ne pas formuler d’hypothèse au-delà du premier semestre 2021, tant est pesante l’épée de Damoclès d’un nouvel « emballement épidémique ». Selon leurs estimations, à savoir une hausse du PIB de 3 % au premier trimestre et de 2 % au deuxième, l’acquis de croissance au premier semestre serait ainsi de 6 %. Ce chiffre correspond au taux de croissance annuel que l’on obtiendrait si le PIB restait, au cours des six derniers mois de 2021, au niveau prévu pour le deuxième trimestre. 

Insuffisant, en tout cas, pour rattraper les 9 % perdus en 2020. Fin juin, l’économie continuerait à tourner à un niveau inférieur de 3 % à son niveau d’avant-crise et elle serait encore 1,4 % en deçà au quatrième trimestre, selon l’OFCE. En somme, selon Julien Pouget, chef du département de la conjoncture à l’Insee, « une reprise prudente et qui reste entourée d’incertitudes » et dépendante du calendrier sanitaire et des réouvertures des commerces, services et autres lieux de culture ou de loisirs. Des secteurs qui représentent environ 10 % du PIB du pays. « Dix mois après le début du premier confinement, la situation sanitaire demeure le principal déterminant de l’activité », rappellent les experts de l’Insee dans leur note de conjoncture.

Si la reprise semble ainsi se dérober au fur et à mesure que l’on avance dans le calendrier, la hausse du chômage sera bien au rendez-vous de 2021. L’économie française aura perdu près de 700 000 emplois salariés et non salariés en fin d’année, selon l’Insee, soit 2 % de ses effectifs.

Certes pour le moment, le taux de chômage n’a évolué qu’à la marge : il atteindrait 8,5 % à la fin de l’année selon la Banque de France. Mais le « halo » autour du chômage, lui, s’élargit dans des proportions significatives. Ce « halo » englobe les personnes sans emploi qui souhaitent travailler mais ne sont pas en recherche active – du fait du confinement ou des restrictions sanitaires, par exemple – ou qui ne sont pas disponibles pour prendre un emploi au moment de l’enquête, comme le requièrent les critères retenus par le Bureau international du travail (BIT) pour mesurer le chômage. Or arrivera un jour où ces personnes vont revenir sur le marché du travail. La Banque de France estime ainsi que le chômage atteindra 11 % de la population active au premier semestre 2021, avant un reflux en 2022.

Consommation en baisse

Inquiets face à cette situation pour le moins mouvante et au risque de perdre leur emploi, privés de voyages, de sorties au restaurant, au cinéma ou au spectacle, les Français continuent d’épargner plus que de coutume. Sur l’ensemble de l’année, malgré des sursauts ponctuels, la consommation aura baissé de 7 % par rapport à 2019. Les ménages auront mis de côté 21 % de leur revenu disponible, contre 15 % en période « normale ». Soit en fin d’année un pactole de quelque 130 milliards d’euros d’épargne, un chiffre largement supérieur au montant du plan de relance de 100 milliards d’euros.

C’est « une réserve de croissance extrêmement significative », estime M. Villeroy de Galhau, si tant est que cet argent soit un jour réinjecté dans l’économie. Les Français devraient continuer, selon l’Insee, à accumuler ce surcroît d’épargne encore quelque mois au moins, tant que leur horizon ne se sera pas dégagé.

Ils y seront sans doute d’autant plus enclins que la surprise de 2021 pourrait être le retour de l’inflation, largement jugulée en 2020 du fait de la crise qui pèse sur les prix des services – et notamment des tarifs des transports aériens – et de la baisse des prix du pétrole. Au fil de la reprise économique, et sans doute aussi de la nécessité des entreprises de reconstituer leurs marges, les prix pourraient augmenter de 1 % sur les six premiers mois de 2021, alors qu’ils n’auront progressé que de 0,5 % sur l’ensemble de 2020.


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