dimanche 8 mars 2015

Droits des femmes : 20 semaines de congé maternité ? Ce serait une grande avancée

En cette journée internationale des droits des femmes, plusieurs eurodéputés Verts veulent alerter sur la menace des congés maternités. Une directive l'allongeant à 20 semaines (contre 16 en France actuellement), est bloquée depuis quatre ans après avoir été adoptée par le Parlement européen. Celle-ci est pourtant essentielle, défend notamment Karima Delli.

La directive sur les travailleuses enceintes plus connue sous le nom de "directive congé maternité", a été adoptée à une large majorité par le Parlement européen en octobre 2010. Après quatre ans, cette directive reste bloquée au Conseil de l'Union européenne à la suite de l'opposition de certains États membres. La Commission européenne a quant à elle fait savoir qu'elle retirerait la proposition de directive si aucun accord n'était obtenu d'ici juin.

Cette décision représenterait un véritable bond en arrière pour le droit des femmes et l'égalité des genres en Europe.

Illustration d'une femme enceinte (R.BEN-ARI/CHAMELEO/SIPA)

Un manque de respect pour le Parlement européen

Après deux ans de discussions sur ce texte, le Parlement européen avait finalement réussi à trouver un accord en adoptant une proposition plus ambitieuse que celle proposée initialement par la Commission. Il voulait, entre autres, étendre le congé maternité entièrement payé de 14 à 20 semaines, y compris pour les mères adoptives ; et incluait également un congé paternité payé d'une durée minimale de deux semaines.

Aujourd'hui, la menace du retrait de cette directive est un véritable manque de respect pour le travail du Parlement européen.

Elle montre que la Commission a cédé aux demandes pressantes des lobbies au détriment des législations européennes relatives à l'égalité femme/homme, à la santé, la sécurité et aux conditions de travail, qui visent justement à garantir des standards sociaux élevés en Europe.

Renforcer les droits des femmes pendant leur grossesse

En 2015, les femmes continuent de gagner en moyenne 16,4% de moins que les hommes dans l'UE. Beaucoup d'entre elles ne touchent simplement pas de retraite tandis que celles qui en bénéficient perçoivent en moyenne 39% de moins que leurs homologues masculins.

Or, si l'Europe est incapable de garantir un revenu décent pour les femmes durant leur congé maternité, elle aggrave de ce fait les inégalités de salaires existantes et entraîne également de sérieuses conséquences dans le calcul de leur retraite. En d'autres termes, avoir des enfants pénalise financièrement les femmes depuis leur grossesse et jusqu'à leur retraite.

Bien que les États membres aient tous des lois protégeant les femmes enceintes, celles-ci sont toujours discriminées sur leur lieu de travail le temps de leur grossesse, mais pas seulement.

Il arrive encore trop fréquemment que des femmes soient licenciées parce qu'elles sont enceintes, même si cela est interdit par la loi. C'est pourquoi l'Union européenne a besoin d'une législation commune qui protège et renforce les droits des femmes durant leur grossesse et après la naissance de leur enfant. Il est scandaleux qu'aujourd'hui toutes les européennes ne bénéficient pas d'un système de protection sociale avancé.

À nous de les aider à concilier travail et statut de mère

Un des arguments principalement utilisés par certains États membres pour bloquer la directive consiste à dire que plus de 14 semaines de congé maternité nuiraient considérablement à la position des femmes sur le marché du travail et imposeraient une charge financière que les entreprises ne peuvent assumer en période de crise économique.

On est pourtant loin de la réalité. Si l'on regarde les pays scandinaves, on s'aperçoit que plus le système est généreux avec les femmes, plus il est facile pour elles de concilier vie professionnelle et statut de mère.

La levée de boucliers de la part d'organisations patronales et de certains États membres concernant les coûts énormes qu'engendrerait la directive est également mise à mal par l'étude d'impact réalisée sur ce sujet. Ainsi, cette étude estime qu'une augmentation de la participation des femmes de 1,4% sur le marché du travail suffirait à couvrir la totalité de ces coûts.

Le congé paternité est vital pour l'égalité des genres

Un autre point complexe de la discussion concerne le congé paternité. Bien que 19 des 28 États membres aient déjà introduit un congé paternité dans leur législation nationale, le Conseil semble loin de l'accepter à l'échelon européen.

Un congé paternité digne de ce nom représente pourtant une mesure vitale pour l'égalité des genres. Si nous souhaitons voir plus de femmes sur le marché du travail, il est essentiel que les hommes consacrent plus de temps aux activités familiales et à leurs enfants.

Un congé maternité tel que voulu par les parlementaires européens représenterait un réel progrès dans la protection des mères travailleuses en termes d'égalité des genres et de soutenabilité du marché du travail.

Les intérêts économiques ne doivent en aucun cas primer sur la protection des Européennes et des Européens. Il est de notre responsabilité à toutes et tous de maintenir la pression et d'élever notre voix pour dire à la Commission européenne et surtout aux États récalcitrants qu'il n'y a pas d'autre option que de laisser la directive congé maternité sur la table.  

Tribune cosignée par :
- Karima Delli (EELV, France)
- Ernest Urtasun (Espagne)
- Jordi Sebastia (Espagne)
- Terry Reintke (Allemagne)
- Monika Varna (Autriche)

 Rozenn Le Carboulec, Le Nouvel Observateur, 08/03/2015.

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