Quelques améliorations, mais sans plus… Les Français restent largement critiques face aux inégalités entre hommes et femmes. Instruites par l’expérience, ces dernières portent un jugement encore plus sombre sur la situation, notamment en matière d’emploi et de salaires.
Alors
que l'égalité salariale est inscrite dans les textes depuis 1957,
une
femme doit travailler 59 jours de plus qu'un homme pour
gagner autant. Photo : Miguel Medina/AFP
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Chacun
perçoit une lente amélioration générale. Mais on est encore loin, très
loin du compte. Dans la foulée de nombreuses études publiées ces
derniers jours à l’occasion de la Journée internationale des droits des
femmes, dimanche 8 mars, l’institut CSA a interrogé les Français sur la
perception qu’ils avaient de ces inégalités femmes-hommes. Les résultats
de ce sondage (1), que nous publions en exclusivité, n’invitent pas à
l’optimisme béat. Et montrent avant tout que les personnes interrogées
– à commencer par les femmes – restent largement insatisfaites de la
situation actuelle. D’une manière générale, l’idée que l’égalité entre
hommes et femmes a progressé depuis dix ans au sein de la société semble
plutôt partagée. Mais pas dans tous les domaines. Ainsi, si les
Français estiment que le partage des tâches ménagères s’est amélioré
(65 %), tout comme l’accès aux fonctions politiques (63 %) – objet de
plusieurs textes de loi ces dernières années –, ils sont beaucoup plus
mitigés sur l’accès aux postes à responsabilité dans les entreprises et
administrations (53 %) et sur l’accès au marché du travail (50 %). Quant
au niveau de salaire, la proportion s’inverse. Une majorité (54 %)
estime que la situation « n’a pas changé », voire s’est « détériorée ».
Sentiment qui rejoint la plupart des études pointant régulièrement la
persistance des inégalités à compétences et poste égaux.
Le ressenti des femmes, pris à part, montre une réalité
plus sombre et, malheureusement, sûrement plus juste. Sur tous les
thèmes, elles apparaissent beaucoup moins convaincues de ces évolutions
positives. Premières concernées par les emplois partiels depuis 2008,
elles sont une minorité à estimer que, depuis dix ans, la situation
s’est améliorée pour l’accès à des postes à responsabilité (45 %) ou
pour l’accès au marché du travail (41 %). Et pas moins de 66 % d’entre
elles ne perçoivent aucun changement, si ce n’est un recul, sur la
question des salaires…
Cet écart de perception ne surprend pas Fatima Benomar,
porte-parole de l’association féministe des Effronté-e-s. Il y a
quelques mois, elle a montré à son entourage cette fameuse vidéo
américaine révélant le harcèlement de rue que subissent les femmes.
« Tous les hommes tombaient des nues. Ils ne se rendaient pas compte de
l’ampleur du problème. Les femmes sont beaucoup plus conscientes de ces
phénomènes de sexisme parfois discrets. Beaucoup d’hommes, eux, ne
reconnaissent que les discriminations évidentes, comme celles liées au
niveau de salaire. » Sur ce point, la militante féministe n’est pas
étonnée, non plus, de l’insatisfaction très forte des femmes concernant
leur différence de salaire par rapport à celui des hommes. « L’écart
s’est réduit pendant une période, mais cela ne bouge plus depuis vingt
ans. À poste et compétences égaux, les femmes gagnent environ 10 % de
moins. Mais, d’une manière générale, elles touchent, en moyenne, 27 % de
revenus en moins qu’un homme, compte tenu qu’elles sont plus souvent
concernées par les temps partiels et des évolutions de carrière plus
lente. »
Le mécontentement grandissant des Françaises face à cette
stagnation des différences de salaire s’exprime clairement dans le
sondage. Si l’on compare les résultats de cette enquête à celle menée en
2005 (graphique ci-dessus), on s’aperçoit que le ressentiment des
femmes face à ces inégalités s’est profondément accentué. En l’espace de
dix ans, le sentiment que leur accès à des postes à responsabilité
était satisfaisant a reculé de 13 points (36 % à 23 %) et le niveau de
salaire de 7 points (passant de 23 % à 16 %). « Ce sont clairement deux
points de crispation qui se sont intensifiés ces dernières années,
relève Julie Gaillot, à la fois de par la situation dégradée du marché
du travail mais également grâce au sentiment que c’est devenu de plus en
plus
inacceptable… »
(1) Sondage réalisé
du lundi 2 au mercredi 4 mars
2015,
auprès de 1 010 personnes âgées de 18 ans et plus,
selon la
méthode des quotas.
Laurent Mouloud, L'Humanité, 06/03/2015.
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