jeudi 5 mars 2015

Rougeole : pourquoi s'opposer au vaccin est dangereux

Le virus est de retour à Berlin, où un enfant de 18 mois est mort. Die Zeit veut en finir avec les mythes qui entourent cette maladie, et rétablir la vérité sur la vaccination. 


La vaccination n'est-elle pas par principe dangereuse et contre-nature ? N'avons-nous pas survécu à la rougeole quand nous étions petits ? Si vous posez la question aujourd'hui dans une crèche, vous aurez peut-être l'impression que les opposants au vaccin sont devenus largement majoritaires. Mais en réalité, seule une infime minorité de parents s'oppose à la vaccination de leur progéniture. Prétendre que plus personne ne fait vacciner ses enfants contre la rougeole est aussi mensonger que lier cette maladie à l'autisme.
Personne ne devrait être contaminé par la rougeole aujourd'hui, et encore moins en mourir. Cette maladie infectieuse, dont on minimise souvent la gravité en la présentant comme une maladie infantile, aurait pu être éradiquée depuis longtemps de la surface de la Terre. Et notamment en Allemagne. Il existe des vaccins, bon marché et accessibles à tous. Ils sont sûrs, offrent une excellente protection et ne présentent que de très rares risques d'effets secondaires dangereux. La rougeole en revanche est une maladie dangereuse qui peut se transformer en infection grave et parfois mortelle.

L'épidémie fait rage à Berlin

C'est ce qui s'est passé récemment à Berlin avec la mort d'un bébé de 18 mois. Depuis, l'épidémie fait rage dans la capitale : plus de 570 cas ont été répertoriés. Ce bébé n'aurait jamais dû contracter la maladie. Les médecins recommandent une première injection de vaccin entre 11 et 14 mois chez l'enfant. Même s'il n'était pas vacciné, l'enfant n'aurait pas dû tomber malade. Cela ne se serait pas produit si les gens autour de lui avaient été suffisamment protégés contre la rougeole. Dans un groupe très largement immunisé contre une maladie, même ceux qui ne sont pas vaccinés sont en réalité protégés.
Le taux de vaccination contre la rougeole, les oreillons et la rubéole reste très élevé en Allemagne. Il varie peu entre les régions et se situe en moyenne autour de 90 %. Mais, pour prémunir la totalité des habitants, il devrait atteindre au moins 95 % dans toutes les classes d'âge.
Les gens qui refusent délibérément la vaccination créent une dangereuse faille. Ils ne sont pas nombreux : seul 1 % des parents interrogés par l'agence fédérale pour l'éducation à la santé (BZgA) se disent fermement opposés à la vaccination de leur enfant. Ajoutés au nombre d'adultes non vaccinés, cela suffit toutefois à mettre en danger des centaines de personnes aujourd'hui à Berlin.

La vaccination : l'un des plus grands progrès de la médecine 

Pourquoi la rougeole est-elle réapparue en Allemagne ? L'infection se propage dans la capitale depuis octobre 2014. Les premiers cas étaient essentiellement des demandeurs d'asile venus de Bosnie-Herzégovine ou de Serbie. L'épidémie sévissait déjà depuis plusieurs mois dans ces pays où la population est nettement moins vaccinée qu'en Allemagne. Mais de nouveaux cas sont apparus depuis et touchent toute la population de la ville.
Les vaccins ont trop de réussites à leur actif pour les nommer toutes. Ils constituent l'un des plus grands progrès de la médecine depuis deux mille ans et il est proprement stupéfiant de voir que certains rejettent encore leur usage. Seul l'accès à des sources d'eau propre a permis un plus grand recul des infections dans le monde que les campagnes de vaccination.
Les vaccins ont permis d'éradiquer des maladies comme la variole, qui jusque dans les années 1960 tuait 2 millions de personnes par an dans le monde. Grâce aux vaccins contre la varicelle, la diphtérie, le tétanos, la coqueluche, l'hépatite, la poliomyélite, la rougeole, la tuberculose et d'autres infections bactériennes liées à Haemophilus influenzae B (Hib), près de 6 millions de morts sont évitées chaque année.

Vaccin et autisme : un mensonge éculé

Pour faire vacciner ses enfants, il faut avoir confiance en la médecine. Cette confiance finit parfois par vaciller et de nombreux parents s'inquiètent de possibles effets secondaires. Il est de plus en plus fréquent d'entendre que la vaccination peut provoquer des formes d'autisme. D'après une récente étude, 20 % des jeunes adultes américains sont convaincus de l'existence d'une telle corrélation.
Cette peur vient des travaux d'un homme : Andrew Wakefield. Ce médecin est l'auteur d'une étude publiée dans la célèbre revue The Lancet. Une étude que les opposants au vaccin citent encore aujourd'hui. En 1998, Andrew Wakefield fait état d'un possible lien entre le vaccin rougeole-oreillons-rubéole (ROR) et l'autisme. Son étude sera toutefois retirée en 2010, après la révélation que le chercheur comptait en fait commercialiser un test de dépistage de cette forme d'autisme imaginaire.
La peur du vaccin progresse au détriment de notre santé

Depuis l'étude frauduleuse de Wakefield, aucun chercheur n'a réussi à démontrer l'existence d'un lien entre le vaccin ROR et l'autisme. "Le vaccin contre la rougeole est utilisé depuis plus de quarante ans dans le monde, il est considéré comme parfaitement sûr", rappelle Dorothea Matysiak-Klose, de l'Institut Robert Koch.
La peur du vaccin progresse au détriment de notre sécurité. Une diminution des vaccinations permet aux maladies de survivre. Oui, il arrive que des enfants contractent une maladie rare après avoir été vaccinés. Mais si trop de parents se laissent gagner par la peur, c'est la santé de tous qui est menacée. On peut comprendre que les parents cèdent à l'inquiétude. La répétition continue d'informations fragmentaires et anxiogènes finit par les alarmer. Certains se disent que "tant que les enfants des autres sont vaccinés, le mien ne risque rien". Mais c'est un raisonnement à courte vue.

—Alina Schadwinkel et Sven Stockrahm
Publié le 23 février 2015 dans Die Zeit (extraits) Hambourg


Courrier international, 23 février 2015.

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