lundi 6 juin 2016

Déserts médicaux : « la France entière est concernée »

Le conseil national de l'Ordre des médecins a publié le 2 juin son 10e Atlas national de la démographie médicale. Pas d'inversion de la courbe, la désertification va continuer jusqu'en 2025.

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Les statistiques de l’Ordre sont toujours présentées en entonnoir  : d’abord le nombre d’inscrits soit 285 840 médecins au 1er janvier 2016, puis les actifs soit 215 583, enfin les médecins dits « à activité régulière », c’est-à-dire hors médecins remplaçants ou temporairement en inactivité, soit 198 144. Ce sont évidemment ces derniers qui font la réalité du terrain.
Sur 10 ans, si le nombre de médecins en activité régulière se maintient (-0,4%), le nombre de médecins retraités est en forte augmentation (+87,7%). Ils sont désormais 70 257 médecins retraités inscrits à l’Ordre.

Un nombre stable de spécialistes

 

Les spécialités médicales (hors médecine générale puisque, rappelons-le, il s’agit d’une spécialité) et chirurgicales voient, dans l’ensemble, leurs effectifs augmenter.
L’Ordre recense 85 064 spécialistes en activité régulière, soit une augmentation de 7% des effectifs depuis 2007. La tendance à la hausse devrait se confirmer jusqu’en 2025 pour atteindre 91 012.
Mais certaines spécialités ne sont pas aussi chanceuses que d’autres. Ainsi, la psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent est au bord du naufrage avec une chute de ses effectifs de 50% sur la période 2007/2016. Au hit-parade de la baisse, la médecine du travail vient en seconde position (-14,6%), puis la dermatologie et la rhumatologie (-9%)

La perte d’un généraliste sur quatre d’ici 2025

 

Mais ce sont les effectifs de médecins généralistes qui sont les premiers touchés par le nombre important de départs en retraite. La chute est inexorable, et pourrait se traduire par la perte d’un médecin généraliste sur quatre sur la période 2007-2025.
Au 1er janvier 2016, 88 886 généralistes exercent en activité régulière tous modes d’exercice confondus. Sur la période 2007/2016 les effectifs ont diminué de 8,4%
A l’échelle régionale, les disparités territoriales sont considérables.
Côté baisse des effectifs, c’est la région Ile-de-France qui enregistre la plus forte diminution de généralistes depuis 2007  : -18,7%, suivie, sans surprise, de la région Centre (-13,1%), puis, quasi à égalité, de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur et de la région Nord-Pas-de-Calais/Picardie.
A l’inverse, la Bretagne et les Pays-de-la Loire tirent leur épingle du jeu avec une hausse respective de 0,4 et 1,3% de leur médecins généralistes. Mais pas toute la Bretagne, et pas tous les Pays de la Loire, comme le montrent les statistiques infra-régionales que publie régulièrement l’Ordre des Médecins.
desertMed-CNOM-2016 Cliquez sur l’image pour l’agrandir.

 

Équilibre entre exercice salarié et libéral

 

En termes de modes d’exercice, on constate un équilibre entre médecins salariés (45,8%) et libéraux exclusifs (43,9%). Les 10,3% des médecins restant sont en exercice mixte. L’exercice libéral n’est pas délaissé par les jeunes médecins : s’il est vrai que, lors de leur première inscription à l’Ordre, seuls 10,8% en font le choix, ce taux remonte sensiblement quelques années après. Par exemple, 33,3% des inscrits de 2008 exercent en libéral en 2016.

L’impact des stages en médecine de ville

 

L’Ordre a inclus dans son Atlas 2016 les résultats d’une intéressante enquête sur l’impact des stages ambulatoires sur le choix des étudiants d’exercer ou pas la médecine générale. Ils « illustrent de façon éloquente la nécessité de développer une formation initiale plus proche du terrain – et le plus tôt possible dans le cursus des études de médecine », a commenté Jean-François Rault, président de la section santé publique et démographie médicale de l’Ordre. Plébiscités par les étudiants, ces stages permettent « de renforcer l’attractivité d’une spécialité et de territoires en souffrance ».

Un levier en amont

 

« En réalité, la France entière est concernée » a déclaré Patrick Romestaing, vice-président de l’Ordre, en ouvrant un débat sur la désertification dans la foulée de la présentation de l’Atlas 2016.
Côté Ordre, deux des dix propositions du Livre blanc «  Pour l’avenir de la santé  », publié en janvier dernier, visent précisément à rapprocher les études de médecine du terrain  : la réforme du numerus clausus et de la première année «pour une meilleure adaptation aux besoins des territoires  » (n°8) et la régionalisation de la formation initiale et le renforcement de la professionnalisation du deuxième cycle à l’internat (n°9). Mais on est dans le moyen terme…
Et en attendant, que fait-on  ? Marie-Caroline Bonnet-Galzy, Commissaire générale à l’égalité des territoires (CGET) a évoqué les mesures incitatives mises en œuvre par le Pacte Territoire Santé. Dont le contrat d’engagement de service public (CESP) qui permet aux étudiants de percevoir une bourse de 1000 euros contre un engagement d’exercer dans un désert médical. 1700 CESP auront été signés fin 2016 et les 100 premières installations réalisées ce qui n’a pas empêché plusieurs intervenants d’afficher un profond dédain pour cette mesure, les étudiants qui travaillent au Mc Do et les contribuables apprécieront… Jean-François Longeot, sénateur du Doubs et Pierre-Marie Lebrun, co-président du Collectif interassociatif sur la santé  (CISS) ont eux aussi manifesté leurs préoccupations sur le court terme.
D’autres ont souligné les risques de la surenchère entre territoires. Car, pour le moment, le constat est unanime, les médecins qui sortent des facultés se voient dérouler les tapis rouges par les médecins libéraux sur le départ, les collectivités locales, les hôpitaux… « Ils sont les rois du pétrole », soupire un médecin dans la salle…

Publié le • Par • La Gazette des communes.

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