La fécondité recule pour la quatrième année consécutive. Un phénomène lié aux évolutions sociétales mais aussi aux difficultés économiques des familles.
Le
recul se confirme. Avec 12 000 bébés en moins en 2018, la fécondité
continue de baisser en France, selon les chiffres de la démographie
publiés hier par l’Insee. Situé à 1,87 enfant par femme, ce taux reste
sous le seuil symbolique des 2 pour la quatrième année consécutive. Avec
758 000 naissances contre 614 000 décès (8 000 de plus), soit
144 000 personnes en plus, le solde naturel reste positif. Mais il n’a
jamais été aussi bas depuis la Seconde Guerre mondiale. Au final, la
population française (66,9 millions au 1er janvier) continue de croître,
mais à un rythme de plus en plus lent : + 0,5 % par an entre 2008 et
2013 ; + 0,4 % entre 2014 et 2016 ; + 0,3 % en 2017 et 2018.
Des droits moins favorables
Comment expliquer cette tendance ? Tout d’abord en raison
du nombre moins important de femmes en âge de procréer, phénomène qui
date des années 1990 et lié au vieillissement la génération du
baby-boom. En 2018, on comptait 8,4 millions de Françaises âgées de 20 à
40 ans. Elles étaient 8,8 millions en 2008 et 9,1 millions en 1998. À
ce facteur s’ajoute celui plus déterminant du recul de l’âge du premier
accouchement : 30,6 ans en moyenne contre 29,8 ans dix ans plus tôt et
26 ans en 1977. « Le recul de fécondité a d’abord touché les femmes plus
jeunes, entre 25 et 29 ans, il touche désormais toutes les femmes en
âge de procréer et tous les niveaux de vie », précise Sylvie Le Minez,
cheffe des études démographiques et sociales.
En cause : l’allongement de la durée des études, la
progression de l’emploi féminin, mais aussi le souhait des couples de
n’avoir des enfants qu’une fois installés dans la vie, avec un emploi
stable et un logement. La crise économique et le manque de confiance
dans l’avenir ont aussi un rôle dans ce décrochage de la fécondité
depuis quatre ans. « Cette baisse marquée et rapide qui concerne tous
les rangs de naissance et toutes les catégories sociales est
probablement le signe de difficultés et de contraintes croissantes pour
les familles », souligne l’Union nationale des associations familiales.
Selon elle, les Français ont toujours envie d’avoir des
enfants (« leur désir varie généralement peu, autour de 2,3 enfants »)
mais les politiques publiques « moins favorables » les en dissuadent.
L’Unaf (Union nationale des associations familiales) cite la réduction
de certaines prestations (accueil du jeune enfant, indemnisation du
congé parental, allocations familiales), des hausses fiscales
(augmentation de la TVA, dégradation du quotient familial de l’impôt sur
le revenu…) ou encore des augmentations de tarifs pour l’accès aux
services locaux (cantines, transports scolaires, accueil périscolaire).
Le pays le plus fécond de l’UE
Ce recul de la fécondité, rappel l’Unaf, « reste une
tendance à haut risque pour la France, dont l’équilibre du système de
solidarité (retraites, assurance-maladie…) repose sur sa
démographie ».Pour inquiétante qu’elle soit, la situation de la France
est relativement bonne par rapport à celle de ses voisins. Même en
recul, l’Hexagone reste le pays le plus fécond de l’Union européenne, et
l’un de ceux ayant le moins pâti de la crise de 2008 sur ce plan-là.
Incontestablement, son modèle social, incarné par un nombre conséquent
de places en crèche ou encore une école dès 3 ans, a joué un rôle
d’amortisseur. Même si celui-ci commence à souffrir des coups de boutoir
des politiques libérales de ces dernières années.
La France reste confrontée à un vieillissement naturel de
sa population. L’espérance de vie à la naissance progresse pour les
hommes (79,4 ans, + 0,2 an depuis 2014) et stagne pour les femmes
(85,3 ans), traduisant pour ces dernières peut-être l’adoption de modes
de vie autrefois masculins (travail, alcool, tabac). Surtout, une
personne sur cinq a désormais 65 ans ou plus, tandis que la proportion
de moins de 15 ans est inférieure à 18,3 %.
Source : L'Humanité, 16/01/2019. Laurent Mouloud
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