dimanche 17 novembre 2019

Nous n’avons jamais consommé autant de viande

Les 330 millions de tonnes de viande produites dans le monde ont un impact majeur sur l’élévation des températures, ainsi que sur la détérioration globale de notre environnement. 


L’élevage intensif serait-il l’angle mort de la lutte contre la crise climatique ? Pour maintenir le réchauffement planétaire à 2 °C ou moins – l’objectif de l’accord de Paris de 2015 –, il faut abandonner tout ou partie de notre consommation d’énergies fossiles – charbon, pétrole, gaz – afin de réduire les émissions mondiales de gaz à effet de serre (GES). Mais, comme aime à le dire l’écrivain américain Jonathan Safran Foer, « notre planète est une ferme ». Et les 330 millions de tonnes de viande produites par an dans le monde ont, elles aussi, un impact majeur sur l’élévation des températures. Ainsi que sur la détérioration globale de notre environnement.

Additionnons l’énergie nécessaire à la production et à la transformation des aliments pour les bêtes, la fermentation entérique de celles-ci (flatulences et rots), le stockage et le traitement du fumier et, enfin, le transport de la viande produite. Selon le dernier rapport de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) publié en 2013, l’élevage de bétail dans le monde totalisait ainsi, en 2005, 14,5 % des émissions de GES d’origine anthropique, soit un taux comparable aux émissions du secteur des transports. Fait notable : la viande bovine est à l’origine de 41 % de ces émissions (74 % si l’on tient compte de la production de lait), alors qu’elle ne représente que 22 % de la consommation totale de viande.

« L’élevage industriel ne nourrit pas le monde, il l’affame »

Ce n’est pas tout. Selon un rapport de Greenpeace publié en mars 2018, la production de viande et de produits laitiers serait la source de 80 % de la déforestation de la forêt amazonienne et mobiliserait jusqu’à 80 % de la surface des terres agricoles dans le monde, soit des centaines de millions d’hectares mobilisés pour nourrir les animaux que consommeront ensuite les habitants des pays riches, quand l’exploitation de ces terres pourrait directement alimenter ceux des pays pauvres. « L’élevage industriel ne “nourrit” pas “le monde” ; il l’affame en le détruisant », résume Jonathan Safran Foer.

Pour toutes ces raisons, les grandes instances internationales comme la majorité des scientifiques estiment que l’humanité devrait d’urgence réduire considérablement sa consommation de produits d’origine animale, en ciblant prioritairement l’élevage bovin. Le problème, c’est que nous n’avons jamais consommé autant de viande qu’aujourd’hui. Et que l’appétence des pays émergents pour ce mets longtemps inaccessible, à commencer par l’Inde et la Chine, ne permet guère d’espérer une inversion de la courbe.
Passée de 70 millions de tonnes en 1961 à 330 millions en 2018, la production de viande pourrait au contraire continuer d’augmenter dans les décennies à venir, pour atteindre, selon les projections de la FAO, 524 millions de tonnes en 2080. A moins que le réchauffement de la planète et les catastrophes en chaîne qui pourraient s’ensuivre ne parviennent à nous convaincre collectivement de faire un autre choix.

Source : Le Monde, 17/11/2019.

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