jeudi 2 octobre 2014

Ebola : 6 questions sur le premier cas découvert aux Etats-Unis

Ebola : une personne placée à l'isolement à Hawaï


Le virus Ebola a fait 3 338 morts en Afrique de l'Ouest sur 7 178 cas enregistrés dans cinq pays (Sierra Leone, Guinée, Liberia, Nigeria, Sénégal), a indiqué l'Organisation mondiale de la santé mercredi 1er octobre. Ce dernier bilan, arrêté au 28 septembre, est publié alors que le premier cas d’infection par le virus Ebola diagnostiqué hors d’Afrique a été détecté aux Etats-Unis. Contrairement aux quatre soignants successivement rapatriés du Liberia, il s’agit cette fois d’une personne qui était arrivée à Dallas (Texas) le 20 septembre en provenance de ce pays, sans présenter le moindre symptôme de la maladie.

Ce n’est que quatre jours plus tard que les premiers signes ont commencé à apparaître. Le patient, de nationalité libérienne, a été hospitalisé et placé en isolement le 28 septembre au Texas Health Presbyterian Hospital de Dallas. Un cas importé de fièvre Ebola qui soulève des questions.

Par Paul Benkimoun
Article publié par le journal Le Monde du 01.10.2014


Y a-t-il eu un défaut dans la détection de ce cas ?

Le patient, identifié à présent comme un quadragénaire libérien appelé Thomas Eric Duncan, a pris un vol au départ de Monrovia, la capitale libérienne, le 19 septembre et il est arrivé le lendemain à Dallas, après deux escales, l'une à Bruxelles, l'autre à Washington. Il ne présente, alors, aucun des symptômes évocateurs de l’infection par le virus Ebola (température, vomissements, diarrhée, douleurs musculaires…). Les mesures prises concernant les passagers embarquant pour un vol au départ d’un pays où l’épidémie est active comprennent un questionnaire ainsi que la prise de la température. Il n’y a donc rien de surprenant à ce qu’un passager ne présentant aucun symptôme ait pu embarquer après avoir satisfait à ces obligations et débarquer sans encombres.

Une fois à Dallas, où il séjournait dans sa famille, Thomas Eric Duncan a commencé à présenter des signes le 24 septembre. Le 26 septembre, fiévreux et se plaignant de douleurs abdominales, mais sans vomissements ni diarrhée comme l'a précisé le Dr Edward Goodman épidémiologiste au Texas Health Presbyterian Hospital, il s’est rendu en consultation aux urgences de cet établissement où il a été examiné puis renvoyé chez lui avec une prescription d’antibiotiques. Il avait indiqué à l'infirmière qui l'avait accueilli qu'il venait du Liberia et était en visite dans sa famille à Dallas. Un responsable de l'hôpital, le Dr Mark Lester, a indiqué, mercredi 1er octobre que « de manière regrettable, l'information n'a pas été pleinement transmise » à toute l'équipe soignante aux urgences. La question peut être légitimement soulevée de savoir si des signes, même non spécifiques, chez une personne arrivée quelques jours auparavant du pays le plus fortement touché par Ebola n’auraient pas dû motiver immédiatement un test diagnostique pour cette maladie.

Deux jours plus tard, les symptômes s’étant majorés et son état s’étant aggravé, le patient a été transporté en ambulance au Texas Health Presbyterian Hospital, où, cette fois, il a été placé à l’isolement. Les prélèvements sanguins sont arrivés mardi 30 septembre dans un laboratoire texan agréé par les Centres de contrôle et de prévention des maladies (CDC) et un test réalisé le jour même a établi un diagnostic de fièvre Ebola. Son état est sérieux mais stable ont précisé les responsables de l'hôpital le 1er octobre.

Le patient a-t-il pu contaminer d’autres personnes ?

Le directeur des CDC a été formel : il est établi qu’une personne infectée ne devient contagieuse que lorsque les signes de la fièvre Ebola apparaissent. Le délai d’apparition des signes, à l’issue de la période d’incubation est le plus souvent de 8 à 10 jours, mais l’incubation peut varier de 2 jours à 21 jours. En conséquence, il n’est pas nécessaire de soumettre à une surveillance les personnes ayant voyagé dans les mêmes vols que le patient infecté.

La contamination ne se produit que lors de contacts proches avec les fluides corporels d’une personne infectée (sueurs, salive, vomissements, selles, sperme – jusqu’à trois mois après la fin des symptômes pour ce qui est du sperme). Les CDC, qui ont dépêché une équipe de neuf experts à Dallas, et les autorités locales ont entrepris d’identifier toutes les personnes ayant été en contact avec le patient infecté à partir du moment où les symptômes sont apparus. Ce sont principalement les membres de sa famille qui l’hébergeaient, des voisins dont quelques enfants d'âge scolaire et les trois ambulanciers qui l'ont transporté à l'hôpital le 28 septembre. Au total, cela représente un groupe de 12 à 18 personnes, qui sont isolées à leur domicile et vont être quotidiennement surveillés pendant 21 jours afin de détecter l'apparition éventuelle de symprômes. Un proche de la personne contaminée est suivi de près. Le directeur des services de santé du comté de Dallas a indiqué sur une chaîne de télévision locale qu'il s'agissait « peut-être d'un autre cas d'Ebola ».

Mercredi, le gouverneur du Texas a indiqué que le patient avait aussi été en contact avec de jeunes enfants. Ces derniers ont été placés sous surveillance étroite pour « détecter d'éventuels symptômes de la maladie ».


Combien de temps va durer la surveillance des personnes ayant été en contact avec le malade ?

La durée de la surveillance sera de trois semaines, puisque c’est le délai maximum d’incubation pour la fièvre Ebola. Un numéro d’appel a été mis en place par le CDC pour répondre aux demandes d’information. Si une personne en contact se révélait infectée, il faudrait alors l’isoler et identifier les personnes qui auraient été en contact proche avec elle, afin de surveiller à nouveau chez elles pendant trois semaines l’éventuelle apparition de symptômes d’Ebola.

Sait-on comment ce patient a été infecté ?

Le directeur des CDC avait indiqué, le 30 septembre que la manière dont Thomas Eric Duncan a été infectée n’est pas connue. La seule précision apportée était qu’il ne s’agit pas d’un professionnel de santé. Depuis, le New York Times a fourni, le 1er octobre, quelques détails sur les circonstances dans lesquelles M. Duncan a été contaminé. Le 15 septembre, à Monrovia, il était venu en aide à une jeune femme enceinte de sept mois, Marthalene Williams âgée de 19 ans, qui avait la fièvre Ebola. Faute de trouver une ambulance, des proches de la jeune femme et M. Duncan l'avaient transportée dans un taxi jusqu'à un hôpital où elle n'a pu être admise faute de place dans le service accueillant les personnes touchées par Ebola. Il a donc fallu ramener la jeune femme chez elle et M. Duncan a notamment aidé à la porter car elle était incapable de marcher. Elle est décédée dans les heures qui ont suivi. Quatre jours plus tard, M. Duncan prenait l'avion pour se rendre à Dallas.

Comment le patient va-t-il être traité ?

Le patient est en soins intensifs. Le traitement repose avant tout sur la réhydratation et la compensation des pertes en électrolytes (sodium, potassium…) provoquées par les vomissements et la diarrhée. Il n’est pas exclu que certains des traitements expérimentaux, dont l’efficacité n’a pas encore été démontrée, soient utilisés.  Cela n’a pas été précisé par les CDC.

Les États-Unis étaient-ils prêts à faire face à un tel cas ?

Un plan de réponse à l’importation de cas de maladies infectieuses graves et à potentiel épidémique existe aux Etats-Unis, comme dans d’autres pays, dont la France. Les structures hospitalières sont à même de placer en isolement une personne considérée comme un cas possible et les capacités d’enquête épidémiologiques permettent de retracer les contacts qu’a pu avoir le malade au cours de la phase contagieuse.

L’épidémiologiste du Texas Health Presbyterian Hospital, le Dr Edward Goodman, a indiqué, mardi 30 septembre :

« Nous avions un plan en place depuis quelques temps pour un patient avec une suspicion d’Ebola. Ironie du sort, nous avons tenu une réunion de toutes les parties concernées une semaine avant que ce malade  ne se présente. Nous étions bien préparés à prendre en charge ce patient. »

Le directeur des CDC a déclaré n’avoir aucun doute sur la capacité à empêcher la propagation du virus aux Etats-Unis.

Par Paul Benkimoun

Article publié par le journal Le Monde du 01.10.2014

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