jeudi 16 octobre 2014

Tests Ebola : une course contre la montre

Les autorités sanitaires ont mis en place une procédure afin d’évaluer l’éventualité d’une infection par le virus Ebola chez une personne vue par un professionnel de santé ou ayant été signalée aux services de santé. Responsable du Centre national de référence des fièvres hémorragiques, à l’Institut Pasteur de Lyon, Sylvain Baize en détaille les différentes étapes, jusqu’à l’obtention des résultats d’analyse.


La possibilité d’une infection par le virus Ebola est envisagée devant un patient ayant voyagé dans un pays considéré comme à risque au cours des 21 jours précédents et présentant une température supérieure ou égale à 38 °C. Elle l’est également pour tout individu n’ayant pas voyagé en zone à risque mais ayant été en contact étroit avec une personne infectée. Cette personne est alors considérée comme cas « suspect ».


ALERTE DU CENTRE 15


Dès lors, la personne suspecte ne doit pas entrer en contact avec d’autres individus. La procédure prévoit que le professionnel de santé, qui le premier a vu le patient, revête des équipements de protection individuelle et alerte l’Institut de veille sanitaire (InVS) et le centre 15. Si l’InVS estime qu’il s’agit bien d’un cas possible, le SAMU, en lien direct avec l’agence régionale de santé (ARS) évacue le patient suspect vers l’établissement de santé de référence (ERS) le plus proche.

L’InVS et l’ARS soumettent le patient à un questionnaire plus poussé, notamment pour préciser l’existence de facteurs de suspicion supplémentaires : contact avec un malade, soins à une personne infectée, participation à des funérailles dans un pays affecté, signes hémorragiques évocateurs, consommation de viande de brousse… Le cas sera également considéré comme possible si la personne n’est pas en état de répondre ou s’il existe des doutes sur les dates de séjour en zone à risque.

Une fois arrivé à l’ESR, le cas suspect sera isolé en chambre à dépression et les personnels de santé s’équipent afin d’éviter tout contact avec le patient présentant des symptômes compatibles, mais également en cas de doute si la personne n’est pas en état de répondre ou s’il existe des interrogations sur les dates de séjour en zone à risque.
 

Par Paul Benkimoun.
Article publié par Le Monde du 16 octobre 2014. 

 

PRÉLÈVEMENT SANGUIN


Pour sortir de l’incertitude, un prélèvement sanguin est effectué. Sur le terrain, en Afrique de l’Ouest, il s’agit le plus souvent de prélèvements de salive, plus faciles à réaliser. Mais ils sont beaucoup moins sensibles que les tests réalisés à partir de sang, car la charge virale (la quantité de virus) y est dix fois moins importante. Le risque serait alors de passer à côté d’un cas chez une personne où le virus ne s’est pas encore beaucoup multiplié. Une recherche est également possible dans l’urine, où le virus persiste plus longtemps, mais le prélèvement privilégié reste le sang, car les résultats y sont les plus reproductibles et sensibles.

Le sang recueilli avec toutes les précautions nécessaires pour ne pas exposer le soignant est ensuite placé dans un emballage réglementaire. Les normes internationales définies par les Nations unies prévoient un triple emballage homologué afin d’écarter tout risque de rupture du confinement du prélèvement.


TEST À LYON


Vient ensuite l’étape, elle aussi sensible, du transport du prélèvement dûment emballé jusqu’au Centre national de référence (CNR) des fièvres hémorragiques à Lyon, qui peut les traiter dans le cadre d’un laboratoire de haute sécurité de type P4, le niveau maximal de protection. L’acheminement se fait par la route – le recours au train est interdit –, par un transporteur agréé avec un cahier des charges exigeant. Le transport doit être dédié et direct : pas de changement de conducteur, dans la mesure du possible pas d’arrêt et encore moins de tournée pour distribuer d’autres colis.

Une fois à bon port, où le CNR est disponible 24 heure sur 24 et 7 jours sur 7, le prélèvement est immédiatement traité. L’analyse est pratiquée par la technique de la PCR (réaction en chaîne par polymérase), qui amplifie le matériel génétique d’un éventuel agent infectieux, en l’occurrence l’ARN du virus Ebola. Ce procédé est préféré à la sérologie, où l’on recherche des anticorps produits en réaction à l’agent infectieux, car contrairement à d’autres maladies proches, comme la fièvre de Lassa, les anticorps anti-Ebola n’apparaissent pas tôt chez tous les patients. Ils sont retrouvés chez les survivants à l’infection.


RÉSULTAT EN 6 HEURES


La PCR permet la détection de l’ARN viral à partir de 2 jours et jusqu’à 10 jours après l’apparition des symptômes. Un test négatif pratiqué 24 heures après le début des manifestations de la maladie devra donc être renouvelé. Si le test demeure négatif après 10 jours à compter du début des signes cliniques, il n’est pas possible de conclure et c’est là qu’une analyse d’un prélèvement urinaire ou une sérologie peut s’avérer utile en cas de forte suspicion.

Le résultat du test par PCR est obtenu au bout de 6 heures, si la recherche ne porte que sur le virus Ebola, mais la détection d’autres virus de fièvres hémorragiques tels Lassa ou Crimée-Congo peuvent être également réalisés en fonction du contexte épidémiologique. Le délai s’allonge alors à 10 heures. Le résultat est transmis au praticien qui a adressé le malade ainsi qu’à l’InVS, au ministère de la santé et à la Direction générale de la santé.


Par Paul Benkimoun.
Article publié par Le Monde du 16 octobre 2014.

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