jeudi 2 octobre 2014

Les premiers essais de vaccin sur des malades d'Ebola auront lieu en 2015



Aller le plus vite possible sans compromettre la sécurité et les exigences éthiques. C’est en quelque sorte la philosophie commune qu’ont exprimée plus de 70 experts ayant participé, les 29 et 30 septembre, à la consultation sur l’évaluation et l’autorisation éventuelle de vaccins contre le virus Ebola organisée par l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Jamais, une épidémie de fièvre Ebola n'avait atteint une telle ampleur et une telle dynamique exponentielle.

 

La tendance à l'extension persiste, en particulier au Liberia et à moindre degré en Sierra Leone. Dans son bilan publié mercredi 1er octobre, l’OMS fait ainsi état de 7157 cas (3696 au Liberia, 2304 en Sierra Leone et 1157 en Guinée), dont 3300 ont été mortels. Cinq jours auparavant, le bilan était de 6553 cas, dont 3083 mortels.

Paul Benkimoun
Article publié par le journal Le Monde du 02.10.2014

METTRE AU POINT UN VACCIN EST CRUCIAL

Dans de telles circonstances, la mise au point d’un vaccin est cruciale pour casser la chaîne de transmission du virus. Les experts de l’OMS, dont beaucoup viennent des pays touchés et de leurs voisins, ont pris en considération les deux candidats-vaccins actuellement disponibles pour pouvoir être utilisés dans le cadre d’un essai clinique.

Le premier est le « cAd3-ZEBOV », développé par GlaxoSmithKline en collaboration avec l’Institut national de l’allergie et des maladies infectieuses (l’un des National Institutes of Health américains), avec un adénovirus dérivé du chimpanzé en guise de vecteur sur lequel a été inséré un gène du virus Ebola. Le second est le rVSV-ZEBOV », développé par l’Agence de santé publique du Canada à Winnipeg et dont la licence de commercialisation est détenue par une compagnie américaine, NewLink Genetics.

Ce second vaccin, dont le gouvernement canadien a offert 800 ampoules (soit 1500 à 2000 doses) à l’OMS, utilise le virus atténué d’une maladie du bétail sur lequel a été greffé un gène du virus Ebola. Le suffixe « ZEBOV » fait référence à la souche Zaïre, d’où descend le virus sévissant en Afrique de l’Ouest.

PLUSIEURS ESSAIS PRELIMINAIRE EN COURS

L’OMS et différents partenaires ont collaboré pour réaliser dans les meilleurs délais des essais cliniques préliminaires chez des volontaires sains, dits de phase 1, afin de disposer de premières données sur la sécurité des candidats vaccins et leur capacité à provoquer une réaction immunitaire chez l’homme. Plusieurs essais internationaux de phase 1 sont en cours et d’autres doivent démarrer sous peu dans une dizaine de sites en Afrique, en Europe et en Amérique du Nord. Deux essais de phase 1 avec le cAd3-ZEBOV ont été lancés aux Etats-Unis et au Royaume-Uni, tandis qu’un essai de phase 1 avec le le rVSV-ZEBOV démarrera en ce début octobre aux Etats-Unis.

Pour ces deux vaccins, leurs fabricants ont décidé d’accroître leurs capacités de production, avec l’objectif d’une augmentation significative au cours du premier semestre de 2015. L’étape suivante consistera à mettre sur pied des essais cliniques de phase 2, au cours desquels seront complétées les données sur la sécurité d’emploi des candidats vaccins et les premiers résultats sur leur capacité à protéger contre le virus Ebola.

DÉFIS À RELEVER

Néanmoins, les experts réunis par l’OMS ont pointé un certain nombre de défis à relever, à commencer par les difficultés à accomplir rapidement les différentes étapes de la recherche et du développement, la conception des essais cliniques et le passage à une vaccination à grande échelle, qui suppose une infrastructure et une logistique adaptées. Pas question non plus de négliger la prise en compte des perceptions des populations concernées sur les vaccins en général et leurs attentes envers un vaccin contre Ebola.

Il faudra aussi résoudre la difficulté que représente la nécessité d’une chaîne du froid, puisque ces candidats vaccins nécessitent d’être conservés à une température de -80°C. Sans oublier les choix des personnes à vacciner tant que les stocks de vaccin disponibles resteront limités. Selon les experts, les doses ne seront pas disponibles en quantité significative avant la fin du premier trimestre 2015.

Les experts ont souligné qu’il fallait mener tambour battant les essais, mais sans sacrifier les règles éthiques. Cela implique, autant que faire se peut, de mener des essais avec tirage au sort entre les participants pour déterminer ceux qui recevront le candidat vaccin à tester afin de comparer les résultats avec les participants auxquels il n’a pas été administré. Cependant d’autres modalités, comme la répartition aléatoire entre des structures de soins, la vaccination expérimentale ayant lieu dans les unes et pas dans les autres, ne sont pas écartées.

TIRER LES LEÇONS DES PRÉCÉDENTS ESSAIS VACCINAUX

Au cours de la consultation a aussi été évoquée une définition extensive de ce que recouvre le terme « professionnels de santé » dans les pays affectés par l’épidémie. Outre les médecins, infirmières ou laborantins, il faut y inclure les aides-soignants, les ambulanciers, les personnels assurant les enterrements et même les guérisseurs. Tous ces personnels prennent de gros risques face à l’infection et doivent absolument être soutenus, ce qui en ferait un groupe prioritaire pour la vaccination.

Tirant les leçons des essais vaccinaux menés en Afrique contre le paludisme, le VIH, le choléra, la méningite, l’hépatite B, notamment, les experts pressent la communauté internationale de ne plus jamais invoquer la « défaillance du marché » pour justifier les retards dans la mise à disposition de vaccins contre Ebola ou d’autres pathologies.

Enfin, la consultation a établi un calendrier pour les mois à venir. D’octobre à novembre, des mécanismes de partage en temps réel des données des essais de phase 1 vont être déterminés ainsi que des protocoles communs pour les essais de phase 1 et de phase 2, et la préparation des sites où les essais de phase 2 seront menés dans les pays affectés. Les données préliminaires sur la sécurité des candidats vaccins devraient être connues vers novembre ou décembre.

Des doses de vaccins satisfaisant aux critères de qualité internationaux pour les essais de phase 2 sont attendues pour janvier 2015, afin que ces essais puissent démarrer vers janvier ou février. Ce n’est qu’une fois que les résultats de ces essais de phase 2 seront obtenus qu’une vaccination à grande échelle pourra être planifiée.


 Paul Benkimoun
Article publié par le journal Le Monde du 02.10.2014

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