samedi 29 octobre 2016

Le système de santé français expliqué aux Américains

À l’heure des présidentielles, les Américains s’interrogent sur leur système de santé. C’est l’un des points sur lesquels les candidats en campagne s’opposent le plus violemment, alors que la polémique enfle autour des résultats mitigés de l'assurance privée obligatoire mise en place par le président Barack Obama, « l'Obama care ». Hillary Clinton plaide pour un engagement fort en faveur de la santé publique. Donald Trump, pour la limitation des dépenses. Le système français pourrait-il être source d’inspiration dans les politiques américaines ? Répondre à cette question, c’est aussi inviter les citoyens français à prendre un recul salutaire vis-à-vis de leur propre organisation de l’accès aux soins. Car le fameux « trou de la Sécu » s’annonce déjà comme un sujet chaud dans la campagne des candidats français aux présidentielles de 2017.


S’il existe aux États-Unis plusieurs grands experts des systèmes de santé, le citoyen américain n’a le plus souvent pas d’idée de la manière dont fonctionnent les systèmes étrangers et, quand il en a, ses idées sont souvent caricaturales. Pourtant, système américain et système français sont proches, vraisemblablement les plus proches de tous les pays riches, à quelques nuances près cependant.

Une espérance de vie inférieure pour les États-Unis

Pour expliquer le système français aux Américains, je commencerai par un retour en arrière. En 1939, un citoyen des États-Unis avait une espérance de vie à la naissance supérieure de sept années à celle d’un Français. Les choses ont changé depuis car celle-ci est, en 2016, inférieure de quatre années. Pourtant l’Américain dépense pour se soigner des sommes très supérieures. Ainsi, en 2014, elles représentaient 9 403 dollars par personne et par an aux États-Unis et 4 959 dollars en France.
À l’échelle nationale, cela se traduit par un montant des dépenses dites « de santé » (elles sont surtout des dépenses médicales) de 16,4 % du PIB aux États-Unis et de 10,9 % en France. Si l’évolution de l’espérance de vie a plus à voir avec les modes de vie et les habitudes alimentaires (entraînant obésité ou diabète) qu’avec l’efficacité de la médecine, il est vraisemblable cependant que la qualité des soins pour le plus grand nombre est à la fois meilleure et plus accessible en France.
Pour ce qui est du paiement des soins médicaux, en France c’est simple : c’est un pays où Medicare (nom du système américain de Sécurité sociale) commence, non pas à 65 ans, mais à la naissance. Tout résident légal est affilié de droit à l’assurance maladie et, à ce titre reçoit des soins, souvent gratuits, sinon remboursés en grande partie par le régime d’assurance obligatoire ou le régime d’assurance santé complémentaire.

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The Conversation, 18/10/2016.
Article intégral en ligne : http://theconversation.com/le-systeme-de-sante-francais-explique-aux-americains-67018

Seulement 6 % du coût des soins assumé par le citoyen français

Pour trente maladies graves, les soins sont remboursés à 100 % par le régime obligatoire. Et si on ajoute les assurances complémentaires « santé » – aujourd’hui quasiment universelles – seulement 6 % du coût des soins en France sort de la poche du patient au moment du contact avec le système médical. Bien entendu, lui ou son employeur auront cotisé pour financer l’assurance maladie obligatoire ou complémentaire. Ainsi, en moyenne, chaque année, tout Français travaille 33 jours pour payer ses seules cotisations à l’assurance maladie.
Il n’y a donc pas de barrière financière à l’entrée, sauf pour les soins dentaires et les lunettes, et encore… Si ces barrières existent, le système français est là à nouveau plus généreux que ceux des pays comparables.
En outre, si le patient est incité à avoir un médecin de référence, son « médecin traitant » avec lequel les soins sont entièrement gratuits, il ne lui en coûtera que quelques euros quand il souhaite déroger à la règle. Il pourra alors voir dans la même journée plusieurs spécialistes dont les honoraires lui seront en grande partie remboursés.

En France, une majorité d’établissements publics

Comme aux États-Unis, il y a en France des hôpitaux publics, des hôpitaux privés à but lucratif et des hôpitaux privés à but non lucratif. Les proportions ne sont toutefois pas les mêmes : 2/3 des lits hospitaliers de court séjour sont des lits d’hôpitaux publics en France. À noter que les 31 hôpitaux universitaires sont tous publics. Cependant, la France a en pourcentage plus d’hôpitaux privés à but lucratif que les États-Unis (20 % contre 15 % des lits). Ceux-ci réalisent plus de la moitié des actes chirurgicaux français.
Plus étonnant, non seulement le patient français peut choisir son hôpital qu’il soit public ou privé et être remboursé dans les deux cas, mais encore l’établissement privé – hors honoraires des médecins – coûte moins cher (de l’ordre de 30 %). Il y a donc un marché des soins et une concurrence, si bien que, contrairement aux pays d’Europe du Nord, au Canada ou au Royaume-Uni, il n’y a pas en France de file d’attente pour la chirurgie programmée, par exemple la cataracte ou la prothèse de hanche.
En ville, les médecins libéraux ont la liberté d’installation et sont payés à l’acte. Pour la plupart d’entre eux, les tarifs sont fixés par l’assurance maladie et sont très inférieurs aux tarifs américains (entre 30 et 40 dollars la consultation). Toutefois, un pourcentage de médecins spécialistes a des honoraires libres, leurs patients sont alors moins bien remboursés, mais la consultation dépasse rarement les 100 dollars.

Une forte régulation par l’État français

Bien entendu, l’État est fortement impliqué dans la régulation du système. Chaque année est défini un numerus clausus national pour les étudiants en faculté de médecine. Il n’est pas possible d’ouvrir une pharmacie sans autorisation administrative. L’État, par ses agences régionales de santé, contrôle toutes les autorisations en matière hospitalière, que les hôpitaux soient publics ou privés. Par ailleurs l’État gère les nomenclatures de tous les actes médicaux, le tarif et le taux de remboursement de chaque médicament, radiographie ou examen de biologie. L’État à l’échelon national nomme tous les directeurs et tous les médecins des hôpitaux publics (lesquels emploient 850 000 personnes). Mais il existe des établissements privés de grande qualité et, je le souligne encore, les médecins libéraux sont libres de leur installation et de leurs prescriptions.
Malgré tout le système français est un des plus onéreux des pays occidentaux. L’hospitalisation y a une grande part, les spécialistes sont nombreux et la consommation de médicament y est élevée.

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