"Moi, Daniel Blake" est le dernier film de Ken Loach, récompensé d'une Palme d'or lors du dernier festival de Cannes. Daniel a une cinquantaine d'années, il vient de survivre à une crise cardiaque et son médecin lui explique que son état de santé ne lui permet plus de travailler. Seulement, l'agence pour l'emploi britannique n'est pas de cet avis.
Voilà cinquante ans que le cinéaste
britannique Ken Loach radiographie la société anglaise avec sa caméra,
avec le prisme des classes populaires et pauvres. Ses films sont des
témoignages forts sur la vie d’une population souvent laissée pour
compte, condamnée à la débrouille. C’est toute l’histoire politique et
sociétale d’un pays qui défile dans le viseur d’un réalisateur engagé et
passionné.
Régulièrement nommé à Cannes, il entre avec
"Moi, Daniel Blake" dans le cercle restreint et remarquable des doubles
palmés. Récompensé par une seconde palme d’or cette année (après celle
obtenue pour "Le vent se lève" en 2006), le cinéaste de 80 ans fait
toujours preuve d’une vitalité admirative et son dernier film en est un
exemple frappant.
La vie après une crise cardiaque
"Moi, Daniel Blake" résonne comme
l’affirmation existentielle et revendicatrice d’un homme qui perd sa
place sur le marché de l’emploi et que le système essaye de broyer. Ce
simple citoyen a décidé de se battre pour faire respecter ses droits.
Telle est l’histoire émouvante de Daniel, homme d’une cinquantaine
d'années, rescapé d’une crise cardiaque et déclaré inapte au travail par
ses médecins… mais pas par l’agence pour l’emploi.
Recalé après avoir rempli un questionnaire
absurde, sa pension d'invalidité lui est refusée. Commence alors un
combat éprouvant, parfois drôle, souvent pathétique, pour continuer à
vivre sans céder à l’abattement. Personnage généreux, il prend également
sous son aile Katie, une jeune mère de famille en difficulté. Ensemble,
ils vont tenter d’avancer tant bien que mal dans une société qui ne
fait pas de l’humain sa priorité… On est toujours saisi par cette
capacité qu’à Ken Loach à nous intéresser à des sujets difficiles du
quotidien, à captiver les spectateurs par les aventures ordinaires de
gens en déshérence. Le parcours de Daniel nous laisse aussi admiratif
que pensif et le film nous étreint comme un électrochoc, véritable appel
à la conscience collective.
Réalité kafkaïenne
L’entretien de Daniel (Dave Johns) avec une
conseillère chargée d’évaluer son degré d’invalidité se déroule pendant
le générique d’ouverture, sur fond noir et en voix off. Une façon
formelle pour Ken Loach d’introduire ce mur administratif auquel va se
heurter le protagoniste : l’image est superflue, Daniel aussi, au regard
de son interlocutrice, qui le somme de répondre uniquement par oui ou
par non à des questions d'ordre médical, qui nient son individualité.
Cette opacité inaugurale est la première
étape d’un engrenage dans lequel Daniel est malgré lui entraîné : ce
menuisier veuf et travailleur n’est pas un profiteur, il ne demande qu’à
exercer sa profession mais sa santé le lui interdit. Le film nous
immerge dans la réalité kafkaïenne des dédales bureaucratiques qu’un
documentaire comme "Pôle emploi, ne quittez pas !" avait déjà pointée
chez nous.
Deux visions se heurtent : d’un côté, des
agents appliquant des règles qu'ils n'ont pas édictées eux-mêmes et qui
doivent rendre des comptes à leur hiérarchie. De l’autre, des usagers
embourbés dans leurs problèmes, qui ne comprennent pas la rigueur qu’ils
subissent et qui souffrent de ne pas être aidés comme ils le
voudraient.
Tout un système qui ne fonctionne pas
Le personnage de la conseillère qui fait
preuve d’empathie à l’égard de Daniel est éloquent. Hors de ses
prérogatives, elle prend quelques secondes pour aider Daniel à remplir
un formulaire sur ordinateur. On comprend qu'elle n'a pas le droit de le
faire quand sa supérieure la convoque instantanément dans son bureau.
(...)
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