dimanche 27 novembre 2016

Les femmes handicapées sont victimes d’un double stéréotype

Depuis l'instauration d'une obligation d'emploi des travailleurs handicapés en 1987 et bien que d'importants progrès en la matière ont été réalisés, de nombreuses personnes en situation de handicap, et notamment des femmes, rencontrent encore des obstacles et discriminations dans leur accès à l'emploi et dans leur carrière. Dans le cadre de ses missions de suivi de l'application de la Convention internationale relative aux droits des personnes handicapées et de lutte contre les discriminations, le Défenseur des droits, Jacques Toubon, publie un rapport sur l'emploi des femmes en situation de handicap. Entretien avec Clémence Levesque, chargée de mission à la Direction de la promotion de l’égalité et de l’accès aux droits du Défenseur des droits, une des corédactrices de ce rapport.


Vous êtes l’une des co-rédactrices du rapport sur l’emploi des femmes en situation de handicap, publié le 14 novembre dernier par le Défenseur des droits. Que révèle-t-il ?

 

Le rapport démontre que les femmes en situation de handicap rencontrent des difficultés et des discriminations spécifiques liées à leur genre, d’une part, à leur handicap, d’autre part, dans l’accès à l’emploi et dans leur carrière.
Un double stéréotype pèse en effet sur ces personnes : à l’inaptitude professionnelle ou à la fragilité présumée des personnes handicapées s’ajoute l’idée qu’il existe des tâches plus féminines que masculines, ce qui limite considérablement leurs perspectives professionnelles.

Quelles sont les discriminations auxquelles sont confrontées les femmes handicapées ?

Dès leur scolarité, on les oriente de préférence vers un certain type de filières. De fait, comme la majorité des femmes, celles qui sont handicapées sont cantonnées dans une douzaine de métiers seulement, à commencer par ceux du soin et de l’administratif. Des secteurs où la pénibilité est moins bien reconnue (à tort !) que dans les professions industrielles ou agricoles.
Parallèlement, le milieu protégé et adapté lui-même proposant plus souvent des activités considérées comme « masculines », les femmes y sont sous-représentées.
À cette ségrégation horizontale s’ajoute une ségrégation verticale. Les femmes handicapées se heurtent encore plus au plafond de verre : bien que plus nombreuses à avoir le Bac que les hommes (28 % contre 22 %), puis à décrocher un diplôme du supérieur, elles sont moins bien payées et occupent des emplois moins qualifiés : on compte 1 % de cadres parmi les femmes handicapées, contre 10 % des hommes.
Par ailleurs, elles sont confrontées, davantage que les hommes, à un temps partiel imposé (47 % contre 16 %). Leur accès au reclassement professionnel est également plus réduit. Des inégalités qui se retrouvent, enfin, dans la création d’activité, dont l’accompagnement vise, à 70 %, les hommes.

Source : Gazette Santé Social, 25/11/2016.



Vous émettez différentes recommandations…

 

Celles-ci sont au nombre de quatre.
Primo, travailler la connaissance de la population handicapée, et plus particulièrement des femmes, ainsi que l’accès à ces informations et leur diffusion.
Secundo, améliorer la visibilité des femmes handicapées et la lutte contre les stéréotypes, notamment en favorisant une identification positive à certains modèles, de sorte à limiter l’autocensure.
Tertio, favoriser l’accès à la scolarisation et à l’enseignement supérieur, en diversifiant les filières de formation initiales ouvertes aux jeunes handicapés, en renforçant la lutte contre les stéréotypes de genre dans l’éducation et l’orientation.
Enfin, favoriser l’accès à l’emploi et à la carrière des femmes handicapées, notamment en développant formations à distance et télétravail. Mais aussi en intégrant une approche genrée en matière de négociation collective et d’accompagnement professionnel des personnes handicapées.

Quelles suites espérez-vous à cette étude ?

 

L’approche intersectionnelle, née aux États-Unis, est tout juste émergente dans les actions de lutte contre les discriminations et non appréhendée, à ce jour, par le droit français. Pour nous, l’enjeu majeur, c’est que la question émerge enfin dans le débat public. Pour ce qui est de la mise en place d’outils concrets, nous comptons sur la mobilisation des acteurs publics et associatifs, ainsi que des partenaires sociaux.

Source : Gazette Santé Social, 25/11/2016. 

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