lundi 24 novembre 2014

Fin de vie : mourir vraiment dans la dignité

Le suicide d'un octogénaire qui a tué son épouse atteinte d'un cancer incurable relance le débat sur l'euthanasie. Pour Damien Le Guay, auteur du Fin mot de la vie, contre le mal mourir en France, l'urgence n'est pas de légiférer sur la mort mais de remettre le malade au cœur de l'hôpital.


Un homme de 84 ans s'est donné la mort ce dimanche à l'hôpital Ambroise Paré de Boulogne-Billancourt. Juste avant, il a tué d'une balle son épouse hospitalisée pour un cancer incurable. Les partisans de l'euthanasie demandent une loi pour «éviter ce genre de drames». Que pensez-vous de ce «droit à mourir dans la dignité» qu'ils invoquent? 
 
Damien LE GUAY: Il faut toujours remettre en cause l'idée selon laquelle il y aurait d'un côté une mort «digne», celle, choisie, de l'euthanasie, et, de l'autre une mort indigne, car «subie». Il faut contester à l'ADMD (Association pour le Droit de Mourir dans la Dignité) la «dignité» qu'ils revendiquent et qu'ils confisquent au détriment des autres. Il y a des dignités différentes, voilà tout. Le droit à mourir dans la dignité est mis en œuvre jour après jour par les innombrables bénévoles en soins palliatifs bien plus que par l'ADMD.
Un constat s'impose: aujourd'hui, on meurt mal en France. Certains avancent une solution: ne pas appliquer la loi Léonetti, ne pas améliorer les soins palliatifs et légaliser l'euthanasie. Or, la légalisation de l'euthanasie serait un mal pire que les maux qu'elle prétend résoudre. 

Crédits photo : Eric Baudet/Divergence

Pourquoi? N'est-elle pas simplement l'expression d'une «ultime liberté»? 

Il y a deux euthanasies. D'une part l'euthanasie-liberté qui est celle, par exemple, d'André Comte-Sponville. Il pense l'euthanasie dans le prolongement du suicide avec la noblesse d'une «ultime liberté» face à toutes les contraintes, les lassitudes. Il est possible de discuter de ces motivations - acceptables jusqu'à un certain point. D'autre part: l'euthanasie économique. Plus sordide, moins avouable. Il y a un an un vice-premier ministre japonais (avant de faire machine arrière) avait fait le constat que 50% des dépenses de santé de son pays intervenaient dans les dernières semaines de la vie. Ce qui est vrai au Japon l'est aussi en France. Il avait suggéré que, par devoir civique, les japonais «devraient» avancer de quelques semaines leur mort. Ainsi l'Etat ferait de considérables économies. Les deux euthanasies sont distinctes et en même temps, la seconde n'est pas loin de la première. Les coûts de la santé sont collectifs. Une pression sociale existe, implicitement. La dérive est possible. Et ceux qui, sans le dire, veulent diminuer les dépenses de santé par une «économie» de quelques semaines sur la durée de vie, font des partisans de l'euthanasie-liberté des «idiots utiles» de ce débat.

96% des Français se disent favorables à l'euthanasie. Peut-il y avoir encore débat avec de tels sondages ?

Oui. Encore faut-il savoir pourquoi les Français veulent l'euthanasie? Avant tout, ils craignent l'hôpital! Ils n'ont pas envie de mourir seuls, abandonnés, face à des machines, réduits à leurs maladies et incapables de comprendre la logique toute puissante des médecins. Ils savent qu'ils vont perdre leur autonomie physique mais surtout leur autonomie de décision. Ils ne seront plus maîtres du jeu. N'auront plus leur mot à dire. De guerre lasse, ils préfèrent «l'euthanasie» sans savoir qu'ils réclament bien des droits qui sont déjà acquis. Quand on demande aux Français s'ils ont le droit de demander l'interruption des soins, ils répondent non! Alors que c'est le cas depuis la loi de 2002! Toute cette ignorance et cette peur se convertissent en une revendication indistincte et incertaine de rejet de l'hôpital plus que d'adhésion à l'euthanasie. Ne faudrait-il pas améliorer «l'offre palliative», la place centrale de l'humain, l'écoute, l'humanité des relations, la modestie du curatif! C'est une question de volonté politique. Avant de se poser la question de l'euthanasie, posons-nous d'abord la question du confort, de l'accompagnement, des conditions de la mort en France. Il y a tant et tant à faire !



Lire la suite de l'article sur le site internet du Figaro :  http://www.lefigaro.fr/vox/societe/2014/11/24/31003-20141124ARTFIG00081-fin-de-vie-mourir-vraiment-dans-la-dignite.php

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