dimanche 2 novembre 2014

Oui à la réforme du congé parental

Inciter les pères à s'investir davantage auprès de leurs jeunes enfants permettra de réduire les inégalités salariales entre les femmes et les hommes, de 24,5  % aujourd'hui


Faut-il se joindre aux protestations contre le projet de réforme des congés parentaux ? Ou au contraire défendre une mesure qui peut contribuer au partage des activités domestiques et à l'insertion des femmes sur le marché du travail ?
Avec un écart de 24,5  % en  2012, les inégalités de rémunérations annuelles entre les femmes et les hommes sont importantes en France. La persistance de cet écart, depuis vingt ans, est frappante, en dépit des nombreuses lois visant à garantir l'égalité des droits des femmes et des hommes. Mais le problème est-il encore de nature juridique ?
Répartition sexuée des métiers
L'analyse statistique des différences de salaires entre les sexes montre que la discrimination, au sens propre du terme, joue assez peu : l'essentiel des écarts provient des différences de durée du travail entre les femmes et les hommes et de la répartition sexuée des métiers. Les femmes ont plus de chances de travailler à temps partiel, et leur orientation professionnelle les concentre dans un petit nombre de professions où les salaires sont en moyenne plus faibles. Pour réduire durablement les inégalités de salaires entre hommes et femmes, il ne suffit donc pas de promulguer une nouvelle loi sur l'égalité des droits. Il faut s'attaquer aux causes de ces inégalités.



Les femmes travaillent autant que les hommes si l'on prend en compte l'ensemble du travail rémunéré et du travail domestique, mais avec une répartition bien différente : 61  % du temps de travail consacré aux activités domestiques pour les femmes (et en particulier à leur rôle dans la prise en charge des jeunes enfants), contre 40  % pour les hommes. Pour réduire cet écart, il faut adapter nos politiques publiques pour favoriser la prise en charge partagée de ces activités et ne pas inciter les femmes à s'écarter durablement du marché du travail.
Dans ce cadre, la réforme visant au partage des congés parentaux entre les deux parents va dans la bonne direction. En Suède, depuis 2008, le revenu de remplacement pendant le congé parental est plus élevé s'il est partagé également entre les membres du couple.
Pour inciter les pères à s'investir davantage auprès de leurs jeunes enfants, une piste est aussi d'améliorer la prise en charge des congés maternité et paternité, actuellement moins bien rémunérés que les congés payés ou les jours de RTT, quitte à réduire à la marge les congés standards.
Les choix des femmes sont peut-être conditionnés par des constructions mentales collectives et des stéréotypes. Mais ils sont aussi influencés, il faut le reconnaître, par notre système sociofiscal, lequel contribue à la formation des inégalités entre hommes et femmes : l'imposition jointe des revenus pour les couples pénalise ainsi la participation des femmes au marché du travail.
Individualiser l'impôt sur le revenu aurait pour effet de réduire le taux marginal appliqué au " second " apporteur de ressources, sans toucher au principe d'une prise en compte des enfants et des autres personnes à charge dans le calcul de l'impôt.
Enfin, les bonifications de retraite pour trois enfants, qui coûtent près de 5  milliards d'euros par an et profitent en priorité aux hommes, sont très difficiles à justifier, notamment parce qu'ils sont versés lorsque les enfants ne sont plus à la charge de leurs parents. Réallouer progressivement ces sommes considérables vers l'augmentation du nombre de places en crèche serait beaucoup plus utile aux familles et contribuerait à réduire les inégalités entre hommes et femmes.
Par Antoine Bozio, Brigitte Dormont et Cecilia García-Peñalosa

Antoine Bozio, Ecole d'économie de Paris, Brigitte Dormont, université Paris-Dauphine et Cecilia García- Peñalosa, université Aix-Marseille, coauteurs de la note n°17 du Conseil d'analyse économique (CAE) " Réduire les inégalités de salaires entre femmes et hommes ", octobre  2014.
© Le Monde 2/11/2014

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