dimanche 2 novembre 2014

Ouvrons enfin les bibliothèques le dimanche !

En France, ces lieux culturels ne sont accessibles, en moyenne, que trente heures par semaine




Pour satisfaire les touristes et soutenir la consommation, le gouvernement veut ouvrir les magasins le dimanche. Il insiste sur la nécessaire modernité mais passe à côté de l'essentiel. Si exception française il y a, c'est celle de la fermeture, le dimanche, de nos bibliothèques. Celles des grandes villes européennes ouvrent le dimanche et tous les jours de la semaine jusqu'à 22  heures, parfois cent heures par semaine, contre trente, en moyenne, en France.
Quand, par exception, les bibliothèques de Montpellier ou Nancy ouvrent le dimanche, c'est ce jour-là que la fréquentation est la plus élevée. Car une bibliothèque a bien plus à offrir qu'une collection de livres. Elle donne libre accès aux nouveaux instruments de l'éducation, la culture et l'information et à Internet.
Pour les étudiants, lycéens et salariés, elle est un lieu de travail individuel ou de réunion pour des projets de recherche, d'association ou d'entreprise. Pour ceux qui n'ont pas accès aux livres, à Internet, à un espace calme et suffisant pour étudier, elle est la pièce indispensable pour construire son avenir. Elle est, grâce au formidable travail que font les bibliothécaires, un espace où chacun peut trouver l'accompagnement nécessaire à son épanouissement personnel.

Des solutions existent



En janvier, Bibliothèques sans frontières avait lancé une pétition pour l'ouverture de ces espaces le dimanche et les soirs de la semaine : en trois semaines, celle-ci a recueilli plus de 10 000 signataires. Aurélie Filippetti, alors ministre de la culture, avait fait de cette ouverture l'une de ses priorités. Mme  Filippetti partie, cet engagement est-il abandonné ?
Les élus doivent s'assurer du contraire : n'autoriser l'ouverture des magasins qu'en contrepartie de l'ouverture des bibliothèques. Prévoir que, dans les villes de plus de 10 000 habitants, une bibliothèque de garde soit ouverte le dimanche, voire les soirs de la semaine. Des solutions existent, appliquées par des sites pionniers en France : décalage des horaires de travail, recours à des emplois étudiants pour épauler les bibliothécaires, ouverture partielle des surfaces d'accueil, aménagement de plages de récupération et compensations financières.
Parce qu'il faut plus de moyens pour assurer une ouverture de qualité, l'occasion en est donnée : pourquoi ne pas créer un fonds de soutien auquel serait affectée une partie des recettes fiscales produites par la consommation du dimanche ?
Si le gouvernement hésite encore, qu'il regarde vers les Etats-Unis. Là-bas, ce n'est pas l'ouverture des magasins le dimanche qui a permis au talent de nouveaux entrepreneurs de s'épanouir. C'est le fait de pouvoir accéder à des bibliothèques au moins vingt  heures par jour. C'est dans l'accès libre à des espaces de culture que réside l'avenir de notre pays.
Par Patrick Weil

Patrick Weil est historien et politologue, directeur de recherche au CNRS et président de Bibliothèques sans frontières.
© Le Monde

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