samedi 1 décembre 2018

Emploi des handicapés, qu'en est-il 13 ans après la loi handicap de 2005 ?

Le taux d’emploi des travailleur(euse)s handicapé(e)s est de 3,4%, loin des 6% obligatoires et du principe de non-discrimination prévu par la loi handicap de 2005. Le point sur les obligations des employeurs et sur ce que prévoit la loi Avenir pro.


Les travailleurs handicapées ne sont pas uniquement des salariés en fauteuils roulants, sont également concernés les trisomiques, les autistes et autres handicapés mentaux, les sourds et malentendants, les aveugles et malvoyants, les personnes ayant des difficultés motrices, des maladies invalidantes (comme le diabète, le cancer par exemple) y compris professionnelles sans oublier les accidentés du travail. En savoir + sur https://informations.handicap.fr/art-definition-du-handicap-874-6028.php 
 
C'est la semaine pour l'emploi des personnes handicapées - SEEPH 2018


Son but est, comme l'année dernière et l'année d'avant et ainsi depuis 13 ans (loi handicap de 2005) de rappeler l’obligation d'emploi  par les entreprises des travailleurs reconnus handicapés
Cela a d’ailleurs fait l’objet d’une Convention nationale 2017-2020 de mobilisation pour l’emploi des personnes en situation de handicap entre l’Etat, l’Agefiph, Pôle emploi, les régions, la CNSA (caisse nationale de solidarité pour l’autonomie), les départements, la caisse nationale d’assurance maladie, la caisse centre de MSA, le RSI, le Cheops (Conseil national handicap et emploi des organismes de placement spécialisés) et l’UNML (union nationale des missions locales). 


Petit historique législatif


C'est la loi du 10 juillet 1987 en faveur de l'emploi des travailleurs handicapés qui a mis en place l'obligation d'emploi des travailleurs handicapées (OETH).
Cette loi a été confortée par la « grande » loi du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées. Celle-ci imposait (articles 25 à 40) "le principe de non-discrimination dans l'emploi, l'insertion professionnelle et l'obligation d'emploi".
Elle-même a fait l’objet de nombreuses autres lois, décrets et arrêtés  codifiés dans le code du travail visant à renforcer cette obligation d’emploi assortie de sanctions en cas de manquements.
Ces sanctions prennent la forme d’une contribution Agefiph (association qui gère le fond pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées) qui peut être majorée de 1 500 fois le SMIC horaire par travailleur(euse) handicapé(e) non embauché.
Précisons au passage que cette obligation d’emploi est remplie dès lors qu’un employeur accueille des personnes handicapées en stage ou passe des contrats de sous-traitance avec des centres ou des entreprises des secteurs protégés ou adaptés employant des handicapés… pour ne citer que ces exemples permettant aux entreprises de boter en touche.
Quant à l’argent récolté par l’Agefiph pour aider à l’emploi de travailleurs handicapés, on se demande bien ce qu’en fait l’Etat. Cela fera l’objet d’une prochaine enquête.





Dans les faits


Ces chiffres suivants sur l’emploi des travailleurs handicapés en disent mieux qu’un long discours :
- 431 000 travailleurs handicapés sont employés dans 100 000 entreprises d’au moins 20 salariés relevant de l’OETH (obligation d’emploi des travailleurs handicapés), soit un taux d’emploi direct de 3,4%... loin des 6% de l’obligation légale – Rapport de la DARES novembre 2017
- taux de chômage des travailleurs handicapés = 19% (2 fois plus que les non handicapés), soit environ 500 000 travailleurs handicapés inscrits à Pôle emploi (2,4 fois plus qu’il y a 10 ans). 1 sur 2 d’entre eux est âgé de 50 ans et plus et 1 sur 4 d’entre eux est au chômage depuis au moins 3 ans – Tableau de bord Agefiph 2017 emploi et chômage des travailleurs handicapés
Ce tableau de bord chiffré de l’Agefiph, vous le lirez, confirme que les emplois proposés aux travailleurs handicapés sont surtout des emplois précaires ou aidés (contrat d’apprentissage, de professionnalisation, d’insertion professionnelle, de placements Cap emploi, de maintien dans l’emploi). Ce qui permet d'alléger la pénalité ou d'y échapper.
Soulignons-le, en plus des Aides Agefiph les entreprises reçoivent de nombreuses aides pour l'emploi de travailleurs handicapés sans oublier les allègemetns fiscaux.
A cet effet, le Défenseurs des droits rappelle les employeurs à l'ordre en mettant à leur disposition un Guide sur l'emploi des handicapés et l'aménagement de leur poste de travail


Les ordonnances Macron en question


Dans un entretien à Handirect du 13 novembre 2017 Muriel Penicaud, ministre du travail, précisait, à propos des ordonnances réformant le code du travail que « le code du travail, en simplifiant l’accès aux règles, contribuera donc aussi directement à l’objectif global de faciliter l’entrée sur le marché du travail des personnes en situation de handicap. »
Sur la prise en compte des situations de handicap dans le droit conventionnel, elle indiquait alors que « les ordonnances en font un des thèmes prioritaires des branches, en les plaçant parmi quatre thèmes que la branche peut décider de bloquer par rapport à la négociation d’entreprise. »
Dans l’interview téléchargeable ci-dessus,  elle ne rassurait pas sur les répercussions à l’encontre des travailleurs handicapés de la fusion des IRP notamment la suppression du CHSCT, l’assouplissement des règles de licenciement et la diminution des contrats aidés. Un an après ça craint toujours, la loi Avenir pro ne rappelant que l'obligation de 6% minimum d'emplois (prévu il y a 13 ans) sous peine de sanction à définir par décret d'ici 2020 !
En effet, pas de quoi convaincre une association comme le CDTHED - Comité pour le droit au travail des handicapés et l’égalité des droits - qui considère dans une Résolution du 30 septembre 2017 que « les cinq ordonnances réformant le code du travail vont remettre en cause des droits acquis par les travailleurs, ce qui va pénaliser en premier, les plus fragiles d’entre eux, les travailleurs handicapés. »
Et de prendre deux exemples :
- « le CHSCT (Comité d’Hygiène, de sécurité et des conditions de travail), acteur essentiel de la prévention des risques professionnels, va disparaître. Ces missions seront assurées par un CSE-Comité social économique
Or les représentants du personnel qui y siègeront, plus généralistes, que les membres actuels des CHSCT, auront moins de temps à consacrer à chacun des domaines de compétences du CSE et donc aux travailleurs handicapés. »
- « Le plafonnement des indemnités prud'homales en cas de licenciement abusif va faciliter les licenciements abusifs des travailleurs handicapés ou de travailleurs devenus handicapés suite à un accident de travail ou une maladie professionnelle. »
Sans oublier la réforme de l’inaptitude qui facilite le licenciement pour inaptitude faute de poste de reclassement (et des postes de reclassement pour les travailleurs handicapés ça n’abonde pas).


Ce que prévoit la loi Avenir Pro


Voici les points clés concernant l'emploi des personnes handicapées prévus aux articles 66 à 79 de la loi Avenir professionnel du 5 septembre 2018

1. tous les employeurs seront tenus de déclarer, à compter du 1er janvier 2020, leurs salariés bénéficiaires de l'obligation d'emploi de travailleurs handicapés. Mais il faut attendre la publication d'un décret pour en connaître les modalités.
2. le taux d'emploi reste fixé à 6% (sauf pour les entreprises de moins de 20 salariés) mais un accord collectif peut prévoir plus. Cependant il n'est plus calculé établissement par établissement mais au niveau de l'entreprise notamment lorsqu'elle dispose de plusieurs établissements.
3. ce taux de 6% sera réactualisé le 1er janvier 2025.
4. les employeurs qui ne s'acquittent pas de cette obligation d'emploi de personnes handicapées ou n'atteignent pas le taux de 6% (ou celui prévu par l'accord collectif) devront payer une pénalité dont le montant et les modalités restent à définir par décret d'ici 2020.
5. le recours au télétravail est favorisé. 

En lien
- Avis et propositions du Conseil national consultatif  des personnes handicapées
le point sur la retraite des travailleurs handicapés
l-emploi_des_femmes_en_situation_de_handicap
définition-du-handicap


Daniel Roucous, L'Humanité, 23/11/2018.

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