lundi 22 septembre 2014

L'essaimage, le tremplin des salariés entrepreneurs

Accompagner les salariés qui veulent créer leur entreprise peut être une expérience également concluante pour l'employeur.

Christophe Netillard a créé sa société de conseil informatique, Isis Performance Rhône-Alpes, il y a bientôt trois ans. Alors qu'il travaillait encore chez Orange, l'entrepreneur hésitait à se lancer. Mais le dispositif d'" essaimage " mis en place par son employeur l'a incité à se jeter à l'eau.
" J'ai eu droit à un accompagnement pour développer mon projet et à une aide financière équivalant à un an de salaire, explique-t-il. Mais, surtout, je suis toujours sous contrat chez Orange : si ça se passe mal, je peux toujours revenir. " Un " parachute doré " rendu possible par la pratique de l'essaimage, qui se répand dans la plupart des grandes entreprises, même si le nombre d'entreprises ainsi créées reste modeste : 7 % par an, selon les estimations de l'Agence pour la création d'entreprise (APCE).
" L'essaimage est d'abord l'apanage des grands groupes ", indique Daniel Bellahsen, dirigeant du cabinet de conseil en création d'entreprise Epigo. Pour des raisons de coût, mais aussi d'image : en effet, les premières tentatives sont nées lors des plans de restructuration des années 1980 ou 1990, chez Air France, Aventis ou encore Renault. Encore aujourd'hui, l'essaimage est utilisé dans près de 60 % des plans de sauvegarde de l'emploi, selon une étude de la Direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques.
" Plutôt que de financer un outplacement classique, l'entreprise paie un cabinet spécialisé pour aider le salarié à monter sa boîte ", explique M. Bellahsen. Résultat : " Les entreprises craignent que leurs salariés ne voient dans l'essaimage un plan social déguisé ", pointe Pierre Dubar, responsable essaimage chez Schneider Electric et président de Diese, une association promouvant l'essaimage et regroupant une dizaine de grands groupes.
Peu à peu, les grandes entreprises ont pérennisé leur dispositif d'essaimage pour l'envisager à plus long terme comme un outil de gestion de la mobilité.
Chez Schneider Electric, l'essaimage existe depuis une vingtaine d'années. " Dès le départ, l'idée était de créer un dynamisme au niveau des salariés et de promouvoir les profils entrepreneuriaux, poursuit M. Dubar. Cette solution fait également partie des outils de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences. "
Si les entreprises ne l'avouent pas volontiers, l'essaimage est aussi un moyen de favoriser le turnover de salariés. Mais M. Dubar insiste : " Pour que l'essaimage réussisse, il faut que cela parte d'une vraie volonté de la part du salarié, martèle-t-il. On n'est pas là pour le mettre en difficulté. Les syndicats seraient les premiers à monter au créneau. " L'essaimage permet également de garder de bons rapports avec un salarié sur le départ qui pourrait devenir – qui sait ? – un futur partenaire ou client. " Quelqu'un qui veut créer son entreprise la créera de toute manière ", pense M. Dubar. Inutile, donc, de chercher à le retenir. " Présenté comme un avantage social, l'essaimage peut même s'avérer un argument de recrutement pour attirer des profils à haut potentiel ", estime M. Bellahsen.
Quelques entreprises, principalement dans le domaine de la recherche, vont jusqu'à aider leurs salariés à créer leur entreprise pour développer une activité, un brevet, une technologie… qu'elles ont elles-mêmes conçus. Ce partenariat débouche parfois sur la création de spin-off. Le Commissariat à l'énergie atomique pratique ainsi l'essaimage pour valoriser ses brevets.
Selon le cas de figure, le soutien accordé au salarié " entrepreneur " est plus ou moins important. " Cela peut être seulement des contacts, une aide financière ou encore les services d'un cabinet spécialisé ", indique M. Bellahsen. La cellule d'essaimage de Schneider Electric accorde, par exemple, un soutien opérationnel et octroie des subventions. Le " programme entrepreneur " de la SNCF offre, quant à lui, une aide qui va de la formation du business planà la recherche de locaux, en passant par des conseils en communication. Le salarié peut également demander un congé de création d'entreprise dont la durée va de douze à vingt-quatre mois, voire plus dans certaines sociétés.
" Soit l'entreprise a mis en place un dispositif “maison” qui indique les conditions de retour, soit c'est le dispositif légal qui s'applique ", indique M. Bellahsen. Mais le salarié ne bénéficie pas toujours d'une possibilité de retour en cas d'échec.
Selon l'APCE, les responsables d'entreprise pratiquant l'essaimage évaluent entre 70 % à 90 % leur taux de réussite à cinq ans, alors qu'en moyenne une entreprise sur deux ferme avant sa cinquième année. Chez Schneider Electric, le taux de pérennité à trois ans des entreprises créées est de 85 %. " L'essaimage permet d'avoir beaucoup moins d'échecs, à condition qu'il s'agisse d'un vrai projet à l'initiative du salarié ", souligne M. Bellahsen. Pour M. Netillard, l'expérience s'est révélée concluante : l'entrepreneur enregistre 200 000 euros de chiffre d'affaires cette année et envisage même de recruter un salarié en 2015.
Pour lui, pas question de retourner chez son ancien employeur : " Une fois qu'on est devenu entrepreneur, on n'a qu'une seule envie : le rester ! ", s'exclame-t-il.
Catherine Quignon, Le Monde du 23 septembre 2014.

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