lundi 22 septembre 2014

L'océan, nettoyé à la volonté

Depuis trois ans, Boyan Slat, 19 ans, mobilise des centaines d'experts autour d'une idée fixe : utiliser le courant naturel pour débarrasser les mers des déchets plastique

 En 2011, à 16  ans, Boyan Slat, en vacances en Grèce avec sa famille, a découvert que des quantités alarmantes de plastique  flottaient dans la mer Egée. Il a pensé - comme beaucoup d'autres - qu'il fallait agir. Sauf que lui a réellement cherché une solution.
Dès son retour à Delft, tout près de La  Haye, le jeune Néerlandais mène une expérience avec un camarade de lycée pour mesurer la pollution plastique de la mer du Nord. Les résultats ne sont pas concluants - leur outil de mesure  est endommagé par les courants -, mais les deux étudiants sont mentionnés dans un quotidien local.
C'est ainsi qu'un organisateur de conférences " TEDx " - un mouvement international axé sur l'échange de solutions innovantes - repère Boyan Slat et lui demande de présenter ses résultats. Le jeune homme en profite pour étoffer son idée : au lieu de s'employer à repêcher le plastique avec des filets, pourquoi ne pas imaginer un système de nettoyage passif qui utiliserait le mouvement naturel des courants et le vent pour piéger les déchets contre une barrière ?
Son exposé  et son jeune âge  attirent l'attention des médias.  Une centaine de spécialistes - des ingénieurs offshore, des experts du droit maritime, des écologistes, des biologistes des milieux marins - se rassemblent autour de lui, la plupart à titre bénévole, tandis qu'il crée The Ocean Cleanup, un organisme à but non lucratif qui emploie une dizaine de personnes à plein temps pour coordonner le projet.
Leur solution : une barrière flottante en forme de V qui descend à 3  mètres sous la surface de l'eau. Tout en épargnant la faune, elle piège le plastique qui y dérive et le conduit vers une plate-forme d'extraction qui fonctionne à l'énergie solaire.

L'objectif est d'installer ce dispositif de 100  km de long entre la Californie et Hawaï, près de la " grande plaque de déchets du Pacifique ", d'ici à 2020. Le budget nécessaire est estimé à 300  millions de dollars (soit 232  millions d'euros, un coût 33  fois inférieur à l'utilisation de navires équipés de filets, selon Boyan Slat).
Si le buzz médiatique a joué un rôle dans l'aventure, Boyan Slat a fait montre d'une détermination hors du commun - en  2013, il a envoyé 13 000  courriels à des experts de tout poil. " Lorsqu'un jeune homme de 17  ans vous contacte pour vous décrire son projet, c'est plutôt déconcertant, car un grand nombre de personnes se sont déjà attaquées au problème. Mais il était réellement prêt à explorer de nouveaux domaines ", commente Santiago Garcia Espallargas, professeur à la faculté d'aérospatiale de l'université de Delft.
Selon Greenpeace, 10  millions de tonnes de plastique, provenant à 80  % des terres, finissent chaque année dans les océans. Avec les courants, ces déchets se concentrent en de grandes plaques, très loin des littoraux. La plus importante, de la taille du Texas, se trouve dans le Pacifique. Le plastique représente d'abord une menace pour les animaux qui l'avalent ou se coincent dedans, puis, lorsqu'il se décompose en substances toxiques qui entrent dans la chaîne alimentaire.
Le projet de Boyan Slat a engendré des réactions sceptiques. L'une des principales critiques est l'incapacité de la barrière à attraper les plus petits fragments. Jan de Sonneville, ingénieur de The Ocean Cleanup, rétorque que le système permet d'intercepter le plastique avant qu'il ne se décompose. Au printemps, The Ocean Cleanup a publié une étude de faisabilité de 530 pages, qui décrit de façon extrêmement détaillée les défis et les solutions du projet - des implications juridiques d'un système ancré dans le Pacifique aux méthodes de recyclage du plastique récupéré.
Grâce aux campagnes de financement participatif, la fondation a collecté 2  millions de dollars. Cet argent, associé à des dons en nature, comme l'utilisation gratuite d'équipements techniques ou des heures de travail d'ingénieurs spécialisés, permettra de financer l'étude pilote.
Christopher F. Schuetze, (Sparknews), Le monde du 23 septembre 2014.

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