dimanche 21 septembre 2014

Une centaine de dossiers traités et plusieurs plaintes

NICE, MARSEILLE, Toulouse, Grenoble, Saint-Etienne, Argenteuil… Les mères voilées interdites de sorties scolaires sont nombreuses – " de plus en plus nombreuses " même, selon le Collectif contre l'islamophobie en France (CCIF), qui a traité, en 2013, une " centaine de dossiers ". Si certains se règlent à l'amiable, d'autres finissent devant la justice. Treize mères de Méru, dans l'Oise, ont ainsi saisi, en mai, le tribunal administratif d'Amiens. Le jugement est attendu dans les prochains mois.

Dans cette petite commune, la question n'avait jamais fait de bruit jusqu'à ce que deux écoles interdisent, en novembre 2013, aux mères voilées de participer à leurs activités. Dans l'une, c'est le conseil d'école qui a statué. Il venait de prendre connaissance de la " charte de la laïcité ", distribuée par le ministère de l'éducation nationale dans tous les établissements à la rentrée 2013.
" Le conseil l'a interprétée comme une interdiction, pour les mères voilées, de participer aux sorties scolaires ", raconte Amina (le prénom a été modifié), l'une des treize plaignantes. " Dans l'autre école, une mère avait été sollicitée par les parents délégués pour les aider à préparer le goûter de Noël ; la directrice lui a demandé d'enlever son voile. "
Très vite, la nouvelle s'ébruite. " Les parents se sont inquiétés, poursuit Amina. Nous avons sollicité le maire, le député, le directeur académique… " Lequel finit par donner des consignes strictes : les parents accompagnateurs étant des " collaborateurs occasionnels " du service public, ils " ne peuvent arborer le port de signes ostentatoires ", tranche-t-il dans un courrier adressé à tous les directeurs d'école de Méru le 4 décembre 2013. Par la suite, " il y a eu des exclusions dans toutes les écoles, déplore Amina. Lorsque nous avons vu que le dialogue n'était plus possible, nous avons porté plainte. "
En juin, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté leur requête. Les mères de Méru avaient opté pour une procédure d'urgence. Or, comme la fin de l'année approchait et qu'aucune sortie n'était prévue, le juge a estimé que la " condition d'urgence " n'était pas fondée.
De plus, " sous l'effet de la procédure enclenchée, l'administration a cherché à apaiser la situation : certaines écoles ont levé l'interdiction, d'autres l'ont maintenue ", précise Lila Charef, responsable juridique du CCIF.
L'acte II doit se jouer dans les prochains mois, quand le juge sera conduit à trancher sur le fond, c'est-à-dire sur la légalité d'interdire le voile lors des sorties scolaires à Méru. En attendant, le rectorat d'Amiens use de prudence : " Le principe de laïcité s'applique. Mais il est aussi demandé aux écoles d'associer les parents et d'établir un dialogue avec eux. "
Au début de l'année, à Nice, deux mères voilées interdites de sorties scolaires ont saisi la justice. Trois plaintes ont été déposées au tribunal administratif. A trois reprises, le juge a rejeté leurs requêtes en référé – sans audience et sans statuer sur le fond. Les plaignantes ont souhaité saisir le Conseil d'Etat. " Mais, comme par hasard, les écoles ont annulé la sortie juste après notre recours devant le tribunal. Nous n'avions donc plus de possibilité de faire appel ", explique leur avocat, Me Sefen Guez Guez.
Le premier cas porté devant la justice remonte à 2011. Une mère voilée de Montreuil (Seine-Saint-Denis) protestait contre l'interdiction, inscrite dans le règlement intérieur de son école, de participer aux sorties scolaires. Le juge l'avait déboutée.
Au. C.
Article publié dans le journal Le Monde du 21 septembre 2014.

Aucun commentaire :

Enregistrer un commentaire