dimanche 21 septembre 2014

Egalité filles-garçons, le ministère prend son temps pour concrétiser son plan

On l'attendait pour la rentrée. Ce sera pour " début novembre ", indique-t-on au ministère de l'éducation nationale. Le plan d'action pour l'égalité entre filles et garçons, qui a succédé aux très décriés " ABCD de l'égalité ", ne prendra forme qu'à l'automne.

Ses principaux volets — ressources, formation des enseignants et information aux parents — avaient été dévoilés avant l'été. Depuis, Najat Vallaud-Belkacem, qui avait fait de l'expérimentation polémique l'une de ses priorités en tant que ministre des droits des femmes, semble jouer la prudence. Il faut dire que les lobbys traditionalistes ne l'ont pas épargnée, en l'accusant d'être l'" égérie de la théorie du genre ".
" Un groupe de travail est mobilisé depuis plus de deux mois pour que le plan d'action se mette en œuvre partout sur le territoire ", explique-t-on au ministère, en détaillant le calendrier : " début novembre " pour le " volet formation " et la mise à disposition sur Internet de " nouvelles ressources pédagogiques "" Fin novembre " pour le " premier séminaire national de formation des cadres - de l'éducation nationale - ", suivi de " déclinaisons académiques ". Le temps d'échange " en toute transparence " avec la communauté éducative, dont les familles, est envisagé dans les mêmes délais.
Quinze jours après la rentrée, le " projet ambitieux " annoncé, avant l'été, par Benoît Hamon, reste à concrétiser. L'ancien ministre s'était essayé, le 30 juin, à un exercice périlleux : officialiser la fin des " ABCD " — testés au primaire dans quelque 600 classes — sans donner l'impression de reculer.
" La culture de l'égalité ne se résume pas à un programme expérimental, une étiquette… Autour des ABCD, il y a eu une confusion, c'est devenu un étendard. Je veux que l'école cesse d'être un champ de bataille ", avait-t-il martelé, en référence aux rumeurs propagées par un certain nombre d'associations et de militants " tradis " persuadés que l'outil phare de lutte contre les inégalités sexuées représentait le " cheval de Troie de la théorie du genre à l'école ".


Changer d'étiquette n'a pas suffi, pourtant, à faire taire ses détracteurs, prompts à user des réseaux sociaux pour crier à la manipulation. Il faut dire que l'institution leur tend parfois des perches. Lundi 15 septembre, le rectorat de Nantes a fait retirer de son site Internet la fiche de lecture concernant l'ouvrage Que font les petits garçons ?, de Nikolaus Heidelbach, dont la lecture était jusqu'à présent proposée en CE2, CM1 et CM2. Pour l'académie, ce livre dérangerait, car il aborde deux sujets délicats, ceux de la mort et de la sexualité.
" Il est impératif que la phase de découverte ait lieu en classe et que les albums ne soient pas empruntés pour être emmenés à la maison. Les réactions très négatives de certains adultes à l'égard du livre pourraient compromettre son exploitation ", pouvait-on lire sur la fiche, désormais inaccessible. " Simple actualisation des ressources proposées aux enseignants,justifie-t-on au rectorat, ayant aussi concerné d'autres ouvrages ". Mais des internautes se sont immédiatement indignés d'une " mise à l'écart ", assumée, des familles.
" L'embrouille des parents " : c'est bien ce que dénonce la Manif pour tous, à deux semaines de la manifestation qu'elle organise le 5 octobre. " ABCD de l'égalité, plan égalité, c'est bonnet blanc et blanc bonnet, affirme Ludovine de la Rochère, sa présidente. C'est même encore pire, car M. Hamon et Mme Vallaud-Belkacem veulent étendre leur plan à tous les niveaux de la scolarité et à toutes les disciplines. "
Mme de la Rochère assure avoir pu se pencher sur le " contenu " du plan d'action, jure que " tout ce qui est féminin est dévalorisé ", soutient qu'il a été demandé aux enseignants de " considérer leurs élèves comme neutres ". Ses " sources " ? Des " documents internes transmis aux enseignants ", des " sites de l'éducation nationale " et même son " intranet ", auquel elle dit avoir eu accès. Un argumentaire qui fait mouche auprès de certains parents. En Loire-Atlantique, les " vigi-gender " n'ont pas attendu la rentrée pour interpeller les chefs d'établissement : dans un courrier adressé à un millier d'entre eux, ces parents ont promis de faire preuve d'une " vigilance accrue " concernant les choix de manuels et de livres notamment.
Dans la mouvance de Farida Belghoul, l'ex-figure de la Marche des Beurs sortie de l'anonymat, en 2013, pour appeler aux Journées de retrait de l'école (JRE), ce ne sont pas des" parents vigilants " mais des " parents courageux " qui entendent peser sur les débats éducatifs. C'est en tout cas ce qu'affirme sur les réseaux sociaux cette militante, en assurant que son mouvement s'est constitué en une " fédération autonome de parents d'élèves courageux " — la Fapec. Pas pour briguer des voix lors des élections de représentants de parents d'élèves, mi-octobre, mais pour les boycotter.
En attendant, Mme Belghoul a lancé ses " ABCD de la complémentarité ", un " programme d'actions défendant la complémentarité homme-femme mise à mal par la société moderne ".Le premier volet ne s'est pas attiré autant de publicité que ses appels au boycott de l'école : il s'agit d'ateliers de lecture de contes traditionnels (Frérot et sœurette, Raiponce) censés " restaurer aux yeux des hommes, et de leurs enfants, ce qui est beau ". Une action dont se sont aussi fait le relais Alain Soral et son réseau d'extrême droite Egalité et réconciliation.
Mattea Battaglia
Publié dans le journal Le Monde du 21 septembre 2014.

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