jeudi 25 septembre 2014

Le paquet sans logo au cœur de la lutte anti-tabac

Marisol Touraine présente, jeudi, en conseil des ministres, une série d'interdictions de fumer et de vapoter.

 

Fini les logos Marlboro, Lucky Strike ou Gauloises sur les paquets de cigarettes. L'inquiétude des buralistes et les menaces des industriels n'y auront rien changé. La ministre de la santé, Marisol Touraine, devait présenter, jeudi 25 septembre en conseil des ministres, le programme national de lutte contre le tabagisme. Avec sa mesure choc : l'instauration du paquet de cigarettes " neutre ".
Le plan prévoit aussi quelques nouvelles interdictions qui ne manqueront pas de susciter des débats auprès des 13 millions de fumeurs et des 1 à 2 millions de vapoteurs. Interdit à l'avenir de fumer en voiture en présence d'enfants de moins de 12 ans et dans les aires de jeux, ainsi que de vapoter dans certains lieux publics, les écoles et les lieux de travail.
" Nous ne pouvons plus accepter ce fléau qui tue vingt fois plus que les accidents de la route - … - J'ai chosi mon camp, celui de la santé publique, et je sais pouvoir compter sur le soutien des Français ", écrit la ministre dans le dossier transmis aux médias pour présenter ce plan demandé par François Hollande en février. Selon les objectifs du gouvernement, dans cinq ans, le nombre de fumeurs doit avoir baissé de 10 %. Dans dix ans, la proportion de fumeurs dans la population doit être passé sous la barre des 20 %.
Le tabac est responsable de 73 000 décès par an, soit 200 personnes par jour. Depuis plusieurs années, les résultats ne sont plus au rendez-vous. En 2012, 28 % des Français fumaient – les prochaines données, qui pourraient être orientées à la baisse du fait de l'e-cigarette et de l'effet des hausses de prix sont attendues prochainement. La Grande-Bretagne, elle, a réussi à passer de 30 % de fumeurs il y a encore quelques années à moins de 20 % aujourd'hui.
Laetitia Clavreul et Laurence Girard
Article publié dans le journal Le Monde du 26 septembre 2014.


Face aux oppositions suscitées par ces mesures, l'arbitrage de François Hollande a été nécessaire. Le gouvernement, qui ne s'était guère illustré en matière de santé publique, joue gros avec l'instauration du paquet générique. En supprimant l'effet marketing, qui joue notamment sur les jeunes, il compte marquer les esprits. Mais il doit s'attendre à une vive bataille.
Ces paquets standardisés, sans logo – ce qui permettra des messages sanitaires plus gros –, qui auront tous la même couleur, la même typographie, et sur lesquels la marque sera limitée à une discrète inscription, les industriels et les buralistes n'en veulent pas. Ils mettent d'ailleurs en doute leur efficacité.
Dès mercredi, ils sont montés au créneau. Les cigarettiers, appuyés par les producteurs de tabac, menacent de réclamer à l'Etat des dommages et intérêts évalués à 20 milliards d'euros pour atteinte aux droits des marques. Ils menacent d'intenter une action juridique pour inconstitutionnalité. En Australie, seul pays où le paquet neutre a été adopté, Philip Morris et Imperial Tobacco ont lancé une procédure similaire contre le gouvernement, mais ont été déboutés par la Cour suprême. Philip Morris a décidé, depuis, de saisir l'Organisation mondiale du commerce contre l'Australie.
Les fabricants évoquent également le risque d'accroissement du commerce illicite – il serait passé de 11,8 % à 13,3 % du marché un an après l'entrée en vigueur du paquet neutre. C'est ce que craignent aussi les buralistes, pour lesquels cette mesure est " une véritable douche froide ". Le renforcement de la lutte contre le commerce illicite, par le biais d'un futur plan interministériel, annoncé par Mme Touraine, ne les convainc pas. Et si aucune hausse de taxe ou de prix ne figure dans le plan, ils craignent que le répit soit bref.
D'autres mesures devraient ravir les associations de lutte contre le tabagisme, qui les réclamaient. Notamment celles qui concernent la protection des enfants, avec l'interdiction de fumer en voiture en leur présence et dans les espaces publics de jeux. Pour éviter qu'elles restent peu appliquées, comme l'interdiction de la vente aux mineurs, le gouvernement prévoit d'autoriser les policiers municipaux à contrôler le respect de la réglementation du tabac.
Un point pourrait décevoir le monde associatif : si le plan est censé " protéger les jeunes ", qui fument plus qu'ailleurs en Europe en moyenne, rien d'innovant n'y figure pour accompagner spécifiquement les moins de 25 ans.
Vendredi 26 septembre, une campagne choc sera lancée sur le thème " le tabac tue un fumeur sur deux ". Le plan table aussi sur l'implication des médecins traitants – la réduction du tabagisme fera partie des objectifs de santé publique à remplir pour bénéficier de la prime à la performance versée par l'assurance-maladie.
Enfin, le gouvernement prévoit de créer un fonds dédié à la prévention et l'information, en mettant à contribution l'industrie du tabac. Sans préciser pour l'heure comment il s'y prendra. Cela fait des années que les associations réclament l'instauration de taxes dans ce but, soutenues en vain par des initiatives parlementaires.
Le plan prévoit aussi de renforcer la transparence sur les activités de lobbying de l'industrie du tabac auprès des responsables politiques et des leaders d'opinion, à l'instar de ce qui se fait pour les laboratoires pharmaceutiques.
La plupart des mesures seront intégrées dans la loi de santé publique, qui sera examinée par les parlementaires en 2015. Les débats s'annoncent houleux.
Laetitia Clavreul et Laurence Girard
Article publié dans le journal Le Monde du 26 septembre 2014.

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