mercredi 10 septembre 2014

Profession, nombre d'enfants, date de l'accouchement : les bons critères pour décrocher une place en crèche

L'objectif de création de 100 000 places d'ici à 2017 est fragilisé par les réductions budgétaires



Qui décroche une place en crèche pour ses enfants ? La question taraude les parents recalés… qui sont nombreux. Seuls 16 % des enfants de moins de 3 ans non scolarisés y sont accueillis, alors qu'à la naissance, 32 % des parents disent préférer la crèche. Une fois leur enfant gardé (le plus fréquemment par une assistante maternelle), 40 % des parents continuent à avoir des regrets, car ils voient dans la crèche la garantie d'un meilleur éveil de l'enfant, d'un apprentissage de la vie en collectivité et du professionnalisme de l'encadrement.
Dans une étude publiée mercredi 10 septembre, l'Institut national d'études démographiques (INED) informe pour la première fois les déçus sur les critères de sélection des collectivités locales, responsables de la politique de la petite enfance. Elle a été réalisée à partir de l'enquête Famille et logements menée en 2011 auprès de 360 000 adultes.
Il y a un facteur chance. Les enfants nés de janvier à avril ont plus de chance d'être accueillis en crèche que ceux nés à l'automne. Les commissions d'attribution statuent souvent au printemps sur les enfants déjà nés, et les places se libèrent en septembre, lorsque les enfants plus âgés entrent en maternelle…
La situation familiale et professionnelle de la mère entre en jeu (l'activité du père n'a en revanche que peu d'influence). Un meilleur accueil du troisième enfant, des jumeaux et des triplés, montre une volonté d'aider les mères de famille nombreuse à conserver un emploi. Les femmes jeunes bénéficient également d'un bonus, tout comme les mères en recherche d'emploi. Elles ont 40 % de chance que leur enfant soit accueilli, contre 25 % pour une salariée du privé, signe d'une politique de lutte contre la précarité.
Les employées, professions intermédiaires et travailleuses indépendantes sont aussi mieux représentées que les cadres, " qui peuvent recourir à un mode de garde éventuellement plus onéreux et plus adapté à des journées de travail plus longues ", indique l'étude.

 
En revanche, les mères isolées ne semblent pas bénéficier d'un accès privilégié aux crèches, bien que ces dernières cumulent difficultés d'organisation et faibles revenus. Leurs enfants représentent 9 % des effectifs en crèche, soit la part de ces familles dans la population. L'objectif d'attribuer une place en crèche sur dix à un parent en difficulté apparaît insuffisant, selon l'étude. " Il faudrait un chiffre plus élevé si on voulait favoriser ces enfants ", affirment les auteurs.
Le gouvernement a promis de faire baisser le nombre de parents éconduits en créant des places en accueil collectif. Mais l'enquête de l'INED paraît au moment où l'objectif ambitieux de 100 000 places en crèche créées en 2017 est remis en cause. Les crédits mis à la disposition de la Caisse nationale d'allocations familiale (CNAF) pour subventionner la création de places ont en effet été sous-consommés à hauteur de 243 millions d'euros en 2013. Seulement 6 000 places ont été décidées, contre 11 000 prévues. La CNAF n'est pas en cause : ce sont les collectivités locales qui lancent les projets et en financent la majeure partie." Nous restons tributaires du libre choix des communes ", rappelait le président de la CNAF, Jean-Louis Deroussen, mardi 9 septembre.
Cette sous-consommation aura un impact à long terme. Une augmentation annuelle de 7,5 % par an des crédits consacrés à l'accueil de la petite enfance avait été annoncée en 2013, lors de la signature de la convention d'objectifs et de gestion pour la période 2013-2017. Soit 2 milliards d'euros supplémentaires de budget au total. L'augmentation ne sera que de 0,6 % en 2013. Or la CNAF a été sommée par le président de la Sécurité sociale, dans un souci d'économies, de calculer les futures augmentations annuelles en partant des sommes réellement consommées en 2013, et non de celles initialement prévues. Même si le rythme de création de places repart fortement à la hausse, le budget annoncé sera automatiquement amputé de 1,4 milliard sur la période.
" L'objectif des 100 000 places est maintenu, mais avec un décalage dans le temps ", plaidait Daniel Lenoir, le directeur de la CNAF, mardi 9 septembre. Parmi les raisons avancées pour expliquer la sous-consommation en 2013 figurent la signature tardive de la convention d'objectifs et de gestion (en juillet 2013) et la proximité des élections municipales, qui gèle les projets.
Mais des facteurs plus structurels entrent sans doute en jeu : les communes connaissent des difficultés financières qui pourraient les détourner des projets d'accueil de la petite enfance. D'autant plus que le coût de création d'un berceau est passé de 18 000 euros en 2000 à 34 000 en 2013. La participation de la CNAF s'élève à 8 000 euros. Elle a lancé une enquête pour déterminer les causes de cette hausse vertigineuse, et décider si elle doit augmenter sa participation.
Gaëlle Dupont 
Article publié dans le Journal Le Monde du 11 septembre 2014.

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