lundi 22 septembre 2014

Climat : Ban Ki-moon presse les Etats d'agir

On l'appelle déjà " le sommet de Ban ", car c'est à titre personnel que le secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, a invité les chefs d'Etat à se réunir, mardi 23 septembre à New York, à la veille de l'assemblée générale pour un sommet extraordinaire sur le climat. A quinze mois de la Conférence de Paris, où les 195 pays de la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques ont rendez-vous pour signer le premier accord global impliquant tous les grands émetteurs de gaz à effet de serre, M. Ban veut donner un élan politique à des négociations toujours aussi difficiles.


Dans les rues de New York, où s'est déroulée, dimanche, une marche du peuple pour le climat qui a rassemblé plus de 300 000 personnes, Ban Ki-moon s'est joint au cortège citoyen pour demander aux dirigeants politiques d'agir. Ne pas répéter l'échec de Copenhague : le souvenir de la Conférence sur le climat de 2009, où les chefs d'Etat avaient, en vain, été appelés en sauveurs de la dernière heure, reste douloureux dans l'esprit de tous les négociateurs. En les interpellant aujourd'hui, Ban Ki-moon espère écarter ce scénario.
Les chefs d'Etat, qui ne se sont jamais réunis depuis leur mésaventure danoise, se montreront-ils à la hauteur des attentes ? En cinq ans, les émissionsde gaz à effet de serre ont battu record sur record pour atteindre une concentration jamais égalée en 2013. Le dérèglement climatique, à travers la multiplication de catastrophes naturelles, est devenu une réalité dans nombre de pays, à commencer par les deux premiers pays pollueurs de la planète : la Chine et les Etats-Unis.
De passage à Paris à la fin du mois d'août, Mary Robinson, l'envoyée spéciale des Nations unies pour le climat, résumait ainsi les trois critères qui permettront d'évaluer la réussite du sommet. Premièrement : les engagements que prendront les chefs d'Etat. Deuxièmement : l'argent mobilisé, notamment pour le Fonds vert promis à Copenhague pour aider les pays en développement à s'adapter aux impacts du changement climatique et financer leur transition énergétique. Ses caisses sont quasiment vides, alors que l'objectif était de mobiliser 100 milliards de dollars (environ 78 milliards d'euros) par an d'ici à 2020.

Enfin – et ce sera la grande nouveauté de cette rencontre –, la création de larges coalitions regroupant des Etats, des villes, des entreprises, des organisations non gouvernementales autour de domaines d'action jugés essentiels pour la lutte contre le réchauffement. C'est ce que Ban Ki-moon a appelé " l'agenda des solutions ".
La France, qui, en tant que présidente de la future Conférence de Paris, avait un temps rêvé de voir les chefs d'Etat annoncer de la tribune des Nations unies des objectifs chiffrés de réduction des émissions de CO2, convient désormais " qu'il est un peu trop tôt ".
L'Union européenne, faute d'avoir été capable de mener à terme sa négociation interne, ne sera pas en mesure de montrer l'exemple. Le président américain, Barack Obama, à quelques semaines des élections de mi-mandat, doit toujours composer avec l'opposition républicaine du Congrès. La Chine tout comme l'Inde ne seront pas représentées au plus haut niveau.
Que faut-il espérer, alors, des quatre minutes de discours dont disposera chacun des 120 chefs d'Etat ayant répondu à l'appel ? " Les dirigeants doivent clairement réaffirmer leur soutien à un accord global ayant pour objectif de limiter la hausse des températures à 2 °C et dire qu'ils vont engager leur économie sur la voie d'une décarbonisation totale à l'horizon 2050 ", réclame au minimum l'économiste britannique Nicholas Stern.
Pour des engagements précis, il faudra donc patienter jusqu'en mars 2015, l'échéance que se sont fixée les négociateurs. Même si des surprises restent possibles à New York.
Côté financement, la France devrait dévoiler sa contribution pour le Fonds vert. Le chiffre d'un milliard de dollars, voisin de celui que l'Allemagne a annoncé en août, était évoqué jusqu'à la veille du sommet. La Norvège est aussi attendue. Les pays en développement demandent que la première capitalisation du Fonds vert, qui sera bouclée en novembre, soit comprise entre 10 et 15 milliards de dollars. C'est le prix à payer pour rétablir une confiance largement entamée. A New York, les banques multilatérales de développement confirmeront de leur côté qu'elles financeront davantage de projets dans l'économie verte.
De nombreuses multinationales profiteront du sommet pour apporter leur appui à la campagne de la Banque mondiale en faveur de l'introduction d'un prix du carbone à laquelle se sont aussi ralliés une quarantaine d'Etat dont la France. Trois cent quarante fonds de pension, dont le géant Calpers et Blackrock, à la tête d'un portefeuille de 24 000 milliards de dollars, y ont déjà souscrit en promettant d'orienter sans attendre une partie de leurs actifs sur des placements verts.
Des organisations religieuses et des fondations philanthropiques annonceront leur volonté de vendre leurs actifs dans l'industrie du charbon pour financer des énergies renouvelables. Mardi, le siège des Nations unies devrait être le théâtre d'un gigantesque " climathon " dont il reviendra à Ban Ki-moon de faire le bilan en fin de journée.
Un exercice d'autant plus délicat après les manifestations qui ont rassemblé plusieurs centaines de milliers de personnes à travers le monde pour dénoncer " trop de discours et pas assez d'actions ".
Laurence Caramel, Le Monde du 23 septembre 2014.

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