lundi 22 septembre 2014

Guillaume Rolland, Google par le bout du nez

Guillaume Rolland, 18 ans, chevelure châtain courte mais abondante et yeux bleus espiègles, n'en est toujours pas revenu d'être parmi les quinze finalistes du concours Google Science Fair, dont le gagnant sera connu mardi 23 septembre. Le jeune homme s'est envolé pour Mountain View, le siège du moteur de recherche américain, en Californie, samedi matin.


Guillaume Rolland était sur les chemins du pèlerinage de Saint-Jacques-de-Compostel (Espagne), en août, avec deux de ses trois soeurs lorsqu'il a appris la nouvelle. Toute la journée, il a marché, sans savoir. Ce n'est que dans la soirée – quand le fameux logo 3G apparut enfin en haut à droite de l'iPhone de l'une de ses soeurs – qu'il fut informé de l'heureuse nouvelle.
« Ils avaient envoyé des mails, tenté des hangouts , mais j'étais injoignable ! », se rappelle-t-il avec un éclat particulier dans les yeux. « On ne cessait de s'imaginer en plaisantant ce que ça ferait s'il était finaliste », se souvient Antoine Rolland, son père. Car ce résultat, le jeune homme l'attendait avec fébrilité. « Je ne pensais pas non plus qu'à ça, j'effectuais un pèlerinage, tout de même », tempère-t-il.
Il est le premier Français à parvenir à ce stade de la compétition, un concours difficile qui sélectionne les meilleurs. Lancé en 2011, le Google Science Fair récompense l'inventivité scientifique et technologique des jeunes âgés de 13 à 18 ans. Sur 2 000 candidats, seuls 15 sont retenus chaque année après un processus de sélection drastique. Les jurés, eux, viennent du monde de la recherche mais aussi de grandes entreprises.
Pour l'heureux élu, c'est le jackpot : dix jours de vacances aux Galapagos, et surtout une bourse d'étude de 50 000 dollars (39 000 euros). En 2013, le gagnant, un jeune lycéen chinois, avait remporté la mise avec un nouveau traitement antigrippal.
DES ODEURS FORTES ET AGRÉABLES POUR RÉVEILLER Le projet qui a mené Guillaume Rolland jusqu'aux portes de Google est un peu différent : il s'agit d'un réveil qui, au lieu de sonner à l'heure programmée, émet des odeurs suffisamment fortes et agréables pour réveiller le dormeur.


« L'idée m'est venue en 2013. A l'époque, mon père venait de prendre un nouveau poste comme directeur d'une maison de retraite. Il apprenait tout ce qui avait trait à son nouveau métier et nous apprenions avec lui. C'est en l'entendant parler des personnes âgées et des problèmes qu'elles pouvaient avoir pour se réveiller le matin, comme une légère surdité par exemple, que je me suis dit qu'il fallait trouver une solution qui soit à la fois douce et efficace », raconte le jeune homme originaire de Nantes, en brandissant le premier prototype de son réveil olfactif. Un cube qui affiche l'heure et dispose d'un système de ventilation pour envoyer le contenu d'une capsule d'huiles essentielles dans l'air ambiant. « Il y avait aussi un constat personnel, s'amuse-t-il, j'avais moi-même du mal à me réveiller ! »Pour réaliser son projet, Guillaume Rolland commence, en bon élève de terminale spécialité physique, par se renseigner sur les propriétés sensorielles des odeurs. « Je n'y connaissais rien. » Il découvre ainsi que certaines sont apaisantes, relaxantes, d'autres au contraire, stimulantes. C'est celles-là qu'il finit par choisir : menthe poivrée et cannelle. « On disait que la menthe poivrée réveillait. Quant à la cannelle, un chauffeur routier m'avait un jour expliqué qu'il en mettait sur le tapis de son camion pour éviter de s'endormir au volant », se remémore-t-il.
La suite est une série de soirées passées à plancher sur la meilleure manière d'émettre ces odeurs au laboratoire de son lycée. « Pression, ventilation, il fallait que je fasse des tests. » Le premier prototype sera fabriqué à la main avec uniquement des objets de récupération (télécommande de voiture, vieux câble d'alimentation…).
Le lycéen, qui fréquente les bancs du lycée Saint-Joseph-du-Loquidy à Nantes, a tout de suite le réflexe de breveter son invention, pour la deuxième fois de sa vie. Car il n'en est pas à son coup d'essai. Réfléchir à de nouvelles fonctionnalités sur des objets existants, en inventer de nouveaux, créer des usages, c'est « sa passion ». « Quand je recevais Science & vie junior, je ne lisais que la rubrique où étaient mises en valeur les inventions des enfants », raconte-t-il. Le jeune homme a d'ailleurs une admiration sans borne pour Leonard de Vinci et ses machines infernales, dont il a visité le château près d'Amboise (Indre-et-Loire), plusieurs fois dans sa vie.
A 13 ans, il brevette une machine à infuser le thé qui permet de faire tourner un sachet du breuvage automatiquement dans un bol et de l'éjecter après un temps donné. Un appareil qui lui permet justement de décrocher le prix Sciences & vie junior, qu'il se verra décerner une deuxième fois avec son réveil olfactif.
« Guillaume n'est pas un génie solitaire comme on imagine les inventeurs. C'est plutôt un jeune homme très intelligent, avec un point de vue pratique très performant. Il peut démonter un objet et voir tout de suite comment l'améliorer, le rendre plus utile », décrit Hervé Leberre, professeur de physique-chimie au lycée Saint-Joseph-du-Loquidy.
« IL VOULAIT TOUJOURS ALLER PLUS LOIN »Petit-fils d'ingénieur, Guillaume Rolland démonte et remonte des objets depuis son enfance. « Il voulait toujours aller plus loin, se souvient son père en riant. Nous avions, quand il avait 15 ans, démonté un rasoir électrique ensemble pour voir ce qui n'allait pas. Il est allé plus loin et l'a fait exploser ! Il a démonté plusieurs voitures électriques que nous lui avions offertes ! »Ce qui fascine Antoine Rolland par-dessus tout, c'est la capacité de Guillaume à se jeter à l'eau : « Il ose des choses que je n'aurais jamais faites ! », indique-t-il en racontant comment son fils est allé, au culot, démarcher l'Ecole centrale de Nantes où il ne connaissait personne pour y fabriquer son deuxième prototype avec une imprimante 3D.
« Il est sociable, a beaucoup d'amis et fait énormément de sport. Il est capable de nouer des partenariats avec une facilité inouïe », indique M. Leberre, en faisant référence à l'accord signé par Guillaume Rolland avec la PME Exhalia, spécialiste du marketing olfactif, afin d'obtenir des senteurs gratuites en échange d'un peu de publicité. De fait, il est scout, pratique le tennis, le badminton et ne se prive pas de sortir avec ses amis, même s'il a passé beaucoup de temps sur son projet de réveil ces douze derniers mois.
Aujourd'hui, il commence un cursus d'ingénieur à l'Université de technologie de Compiègne (Oise) et pense déjà à la manière de commercialiser son invention. Seb l'a contacté et Exhalia aimerait investir dans son projet s'il venait à aboutir. Le prix Google Science Fair, lui, serait la cerise sur le gâteau. Mais quoi qu'il arrive, Guillaume Rolland, l'assure, il« n'arrêtera jamais l'école, c'est bien trop important ».

Sarah Belouezzane
Journaliste High Tech-Telecoms au Monde

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