jeudi 25 septembre 2014

La Sorbonne embarrassée par une affaire de voile

Une étudiante voilée dit avoir été invitée à changer de cours par une enseignante.

 

Le président de l'université Paris-I Panthéon-Sorbonne s'est officiellement excusé, espérant sortir au plus vite de l'affaire de voile islamique qui perturbe la rentrée de l'UFR de géographie. Une étudiante voilée, Samia (le prénom a été changé à la demande de l'intéressée), dit avoir été victime d'une " humiliation ", mardi 16 septembre, lors de sa première séance de travaux dirigés (TD) de géographie physique.

Dès le début, raconte Samia, la professeure lui demande : " Vous comptez garder votre truc à tous mes cours ? " Le " truc ", c'est le voile que porte Samia. " Parce que cela me dérange, poursuit l'enseignante. Et cela va gêner, car il y a des exposés, et il faudra au moins l'enlever durant ces exposés. Je suis là pour vous aider à l'insertion professionnelle. Et cela vous posera des problèmes. " La jeune femme ne souhaite pas ôter son voile. " Je préfère dans ce cas que tu ailles dans un autre TD ", lâche la professeure. Contactée par Le Monde, celle-ci répond : " Je ne vois pas du tout de quoi vous me parlez. Ce n'est pas moi. "
Benoît Floc'hArticle publié dans le journal Le Monde du 26 septembre 2014.



L'étudiante de troisième année de licence, " bouleversée ", écrit alors une lettre, " signée par quatre étudiants témoins de la scène ", au directeur de l'UFR de géographie, Yann Richard. Celui-ci, qui n'a pas souhaité répondre aux questions du Monde, reçoit immédiatement la jeune femme et lui propose de changer de TD, avant d'informer la présidence de l'université.

En recevant la jeune femme, mercredi 24 septembre, le président, Philippe Boutry, " a présenté des excuses au nom de l'université, précise son entourage. Il a regretté l'incident et l'interprétation erronée que l'enseignante fait de la loi de 2004 ".

Celle-ci dispose en effet que " le port de signes ou tenues par lesquels les élèves manifestent ostensiblement une appartenance religieuse " est interdit " dans les écoles, les collèges et les lycées publics ". Mais pas dans les universités.

" Inconsidéré "

Depuis 2004, le débat sur la laïcité dans l'enseignement supérieur n'a jamais vraiment cessé. En août 2013, Le Monde révélait que le dernier rapport du Haut Conseil à l'intégration, jamais publié, préconisait, face aux " nombreux contentieux ", d'interdire le port de signes religieux " dans les salles de cours, lieux et situations d'enseignement et de recherche des établissements publics d'enseignement supérieur ".

Le site Islam & info, qui a publié la lettre de l'étudiante, demande que l'enseignante " soit sanctionnée de manière intransigeante afin de démontrer que la Sorbonne ne tolère pas une prise de parole inconsidérée et islamophobe ".

" Ma priorité, c'est de reprendre les cours ", assure de son côté Samia. Mais la jeune femme ajoute : " Je veux qu'une sanction soit prononcée contre l'enseignante afin que cela ne se reproduise plus. " Sur le conseil du président Boutry, Samia va saisir la commission de médiation de l'université, en espérant que cela débouchera sur des sanctions disciplinaires.

L'enseignante sera également reçue par Philippe Boutry. " Il souhaite connaître sa version, dit-on dans son entourage, et lui rappeler la loi. "

Benoît Floc'h
Article publié dans le journal Le Monde du 26 septembre 2014.

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