mercredi 24 septembre 2014

La bataille est lancée autour de l'étiquetage nutritionnel des aliments

Carrefour veut jouer les élèves modèles. Mercredi 24 septembre, le distributeur devait annoncer la mise en place de son système d'étiquetage nutritionnel. Entre la fin de l'année et le printemps 2015, tous les produits préemballés de marque Carrefour (600 à 700 au total) seront siglés d'un pictogramme de couleur verte, bleue, orange ou violette, en forme de pyramide inversé. Riz, plats préparés et autres boîtes de conserve porteront aussi une indication de fréquence d'utilisation associée à chaque couleur : " trois fois par jour ", " deux fois par jour ", " une fois par jour " et " de temps en temps ".


Le débat sur l'étiquetage nutritionnel n'est pas nouveau. L'idée ? Rénover le système actuel, qui fait état de la teneur en calories, lipides, protéines..., dans des tableaux chiffrés illisibles.
Le timing choisi par Carrefour ne doit rien au hasard. Officiellement, le groupe profite du changement d'emballages imposé d'ici à décembre dans le cadre du règlement européen INCO (information des consommateurs), qui fixe de nouvelles règles pour les tableaux chiffrés (mention obligatoire des taux d'acides gras saturés, de sucre et de sel).
Mais c'est en France que le sujet devient brûlant. L'étiquetage nutritionnel des aliments, à l'instar de ce qui se fait déjà pour l'habitat ou l'électroménager, devrait être l'une des mesures phares du projet de la loi de santé qui sera présenté en conseil des ministres mi-octobre. En janvier, le professeur Serge Hercberg (Inserm, université Paris-XIII) avait remis un rapport sur la prévention nutritionnelle à la ministre de la santé, Marisol Touraine. S'inspirant du modèle britannique à trois couleurs (les " feux tricolores "), il proposait un code de cinq couleurs, du vert pour les aliments qui présentent la meilleure qualité nutritionnelle au rouge pour les moins bons.
Carrefour, lui, a choisi de se baser sur le système préconisé par le professeur Hercberg, mais avec seulement quatre catégories, et d'y ajouter ses propres indications sur la fréquence de consommation des produits. " L'approche par les feux tricolores induisait l'idée qu'il y a de bons et de mauvais produits. Pour nous, tous les produits ont des avantages, la question est de savoir comment on consomme ", argue Jérôme Bédier, le secrétaire général de Carrefour. Quant à la couleur rouge, elle a opportunément disparu.
Ce système est pourtant loin de faire l'unanimité. " C'est un coup marketing, c'est dommage ", regrette M. Hercberg. " Cette initiative montre qu'il faut légiférer pour éviter que chacun crée son propre système à sa façon ", poursuit le scientifique. Les associations de consommateurs se veulent également circonspectes. " Cet outil va dans le bon sens. Mais en lançant son système avant la promulgation de la loi, avec des seuils et des formats qui lui sont propres, Carrefour risque d'ajouter à la confusion du consommateur ", déplore Olivier Andrault, chargé de mission à l'UFC-Que Choisir. " L'objectif est de pouvoir dire aux clients : venez chez nous, c'est meilleur que chez le voisin " estime M. Andrault.
Le groupe dirigé par Georges Plassat espère pourtant faire école avec ses pictogrammes. " Ce n'est pas un système dont nous souhaitons garder la propriété exclusive : chacun, industriel comme distributeur, pourra s'en emparer ", assure M. Bédier. Car Carrefour en est persuadé, son système sera avalisé par le législateur. " Nous en avons parlé aux pouvoirs publics et à l'Anses - Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail - . Ce projet est conforme au projet de loi " assure M. Bédier.
Pour l'heure, le ministère de la santé n'a pas encore tranché et s'en tient aux propos tenus en juin par Mme Touraine, favorable à " un système uniforme ". L'échelle des cinq couleurs semble tenir la corde. " Un tel outil incitera les acteurs économiques à reformuler leurs produits vers une meilleure qualité nutritionnelle, estime M. Hercberg. L'idée n'est pas de stigmatiser un produit ni d'interdire de manger les produits rouges, mais de donner des repères, notamment pour les populations plus fragiles (défavorisées, enfants…). " Le ministère a demandé à l'Anses de fixer les seuils pour chaque couleur. Elle devrait rendre ses travaux en novembre. Mais ils n'auront pas de caractère obligatoire...

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Laurence Girard, Pascale Santi et Audrey Tonnelier
Article publié dans le journal Le Monde du 24 septembre 2014.

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