samedi 13 septembre 2014

Il n'y a "pas d'urgence" à augmenter les tarifs de l'électricité, selon le Conseil d'Etat

Le juge a maintenu l'annulation de la hausse de 5 % prévue le 1er août. Le gouvernement annoncera un nouveau mode de calcul en octobre

Le gouvernement n'est pas fautif d'avoir refusé l'augmentation de 5 % des tarifs de l'électricité prévue le 1er août. Ainsi en a décidé le Conseil d'Etat. La haute juridiction administrative a annoncé, vendredi 12 septembre, qu'elle rejetait une demande de suspension d'un arrêté gouvernemental du 28 juillet 2014. Ce texte annulait cette hausse des tarifs réglementés de vente de l'électricité aux particuliers qui avait pourtant été annoncée – et inscrite dans un arrêté précédent – dès juillet 2013 par le gouvernement de Jean-Marc Ayrault.

Le Conseil d'Etat avait été saisi en référé mi-août par l'Anode. Cette association de concurrents d'EDF dénonçait l'avantage compétitif ainsi donné à l'opérateur historique et rappelait qu'aux termes de la loi, les tarifs doivent permettre de couvrir les coûts d'EDF. Ce qui justifiait, à ses yeux, l'augmentation annoncée de 5 %.

Dès juin, la ministre de l'énergie, Ségolène Royal, avait décidé un gel au nom de " la protection des consommateurs ". Le chef du gouvernement, Manuel Valls, avait cependant prévenu qu'une hausse, même inférieure à 5 %, interviendrait à l'automne pour les tarifs bleus d'EDF (92 % des consommateurs).

Vendredi, sur Twitter, Mme Royal a salué la décision du Conseil d'Etat, y voyant " une bonne nouvelle pour les consommateurs ". Dans un communiqué, elle a annoncé que le décret sur la nouvelle formule de calcul des tarifs, promise en juin, sera publié en octobre. En y intégrant le prix de gros de l'électricité sur le marché, qui a baissé depuis 2012, le nouveau mécanisme devrait limiter les hausses tarifaires.

" Portée temporaire "

En juillet, l'Assemblée nationale avait voté à l'unanimité la création d'une commission d'enquête sur les tarifs de l'électricité. Réclamée par le groupe socialiste, elle doit apporter " une meilleure compréhension et plus de transparence " sur leur mode de fixation, avait précisé François Brottes (PS, Isère), président de la commission des affaires économiques.

Le Conseil d'Etat ne juge pas du " bien-fondé des critiques formulées contre l'arrêté " et indique qu'il " se prononcera prochainement au fond ". Le juge des référés a juste constaté que " la condition d'urgence n'était pas remplie ". De plus, l'arrêté du 28 juillet 2014 " n'a qu'une portée temporaire, dans l'attente de la mise en place, très prochaine, de nouvelles modalités de tarification de l'électricité sur la base desquelles seront ensuite fixés de nouveaux tarifs ".

Enfin, il n'est pas établi, selon le magistrat, que ce gel porte une " atteinte grave et immédiate " aux intérêts des concurrents d'EDF, " alors que, à l'inverse, la suspension de cet arrêté pourrait porter atteinte à l'intérêt des consommateurs ".

L'action d'EDF a perdu plus de 3 % dans les minutes suivant la publication de la décision. Avec 5 % d'augmentation au 1er août, ce sont 500 millions d'euros qui seraient entrés dans les caisses d'EDF, avait indiqué son PDG, Henri Proglio, lors de la présentation des comptes du 1er semestre, le 31 juillet.

Le même jour, le gouvernement avait publié un arrêté prévoyant une facture de rattrapage, le Conseil d'Etat ayant jugé insuffisante une autre hausse, de 2 % celle-là, décidée par le gouvernement pour la période allant de juillet 2012 à juillet 2013.

Depuis 2010, les tarifs de l'électricité n'ont pas cessé d'augmenter pour financer la modernisation des réseaux de transport et de distribution d'électricité, et surtout la rénovation des 58 réacteurs nucléaires. Une exigence renforcée après la catastrophe de Fukushima. L'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) avait alors demandé à EDF de relever les barrières de sûreté des centrales, ce qui entraînera un surcoût estimé par EDF à 10 milliards d'euros.

Par Jean-Michel Bezat


Article publié dans le journal Le Monde du 14/09/2014.

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