lundi 1 septembre 2014

Retrouver les ressorts de la motivation

Des manageurs ont élaboré de nouvelles façons de diriger pour stimuler les salariés





La rentrée va être difficile. Le climat social au sein des entreprises est dégradé : plus de deux salariés sur trois rêvent de changer d'employeur, selon le baromètre trimestriel édité par Viadeo en juillet. Sur fond de crise, la note de conjoncture annuelle de l'association Entreprise & Personnel relève une multiplication des formes de protestation passive telles que l'augmentation de l'absentéisme et la baisse de zèle, consécutives à la montée de la pression sur les salariés. Comment manager dans ces conditions ?
La crise, Nicolas Doucerain, président de l'association Entreprendre pour la France, l'a vécue aux premières loges dès 2009. A l'époque, l'homme dirigeait Solic, un cabinet de conseil en ressources humaines employant une centaine de salariés. Alors que sa société est au plus mal, le dirigeant doit se séparer de la majorité de ses collaborateurs :" Un véritable tsunami, se remémore-t-il. Les équipes étaient complètement chamboulées. "
Le chef d'entreprise a raconté son expérience dans l'ouvrage Ma petite entreprise a connu la crise (François Bourin Editeur, 2011). Malgré ce contexte difficile, les salariés se mobilisent et la société finit par redresser la barre : " Tous avaient pris conscience de la situation, souligne Nicolas Doucerain. Pour remporter un gros appel d'offres, les salariés n'ont pas hésité à travailler le week-end et on a fini par décrocher le contrat. "
Pas évident de maintenir ses collaborateurs motivés pour passer un cap difficile. Afin de tenir cette gageure, Nicolas Doucerain a décidé de montrer la voie. " J'ai baissé ma rémunération et demandé à mes associés de faire de même, dit-il. Le manageur doit être exemplaire, sinon il n'a aucune chance de mobiliser ses collaborateurs. "
Autre arme de guerre, la communication. Pour éviter les rumeurs, le dirigeant décide de faire des points hebdomadaires avec son équipe. " J'insistais sur les points forts et je fixais des objectifs relativement atteignables pour permettre aux salariés de se projeter ", indique-t-il. Le chef d'entreprise veille également à occuper les esprits : " Comme mes collaborateurs manquaient d'activité, je leur ai demandé d'imaginer de nouvelles façons de faire leur métier, se souvient-il. On a retenu trois ou quatre projets qui ont connu quelques succès. "
D'autres dirigeants n'hésitent pas à sortir des sentiers battus pour désamorcer les situations de crise. En 2003, bis repetita, une TPE spécialisée dans la vente de matériel informatique connaît une montée des tensions entre ses collaborateurs. " Pour résoudre les incompréhensions, chaque salarié est allé travailler une demi-journée dans les autres services, raconte Anne Hontang, l'assistante de direction de la société.Cela leur a permis de prendre conscience de l'importance des étapes à suivre. "
De l'administration à la logistique, tous les services sont concernés par cet échange de postes. " Un préparateur de commandes venu au service commercial a ainsi réalisé qu'un appareil mal emballé, c'était un client non satisfait et une source de tension pour le commercial ", relève Mme Hontang. A la suite du succès de l'opération, la société a décidé de l'étendre à l'ensemble des nouveaux embauchés. " Après quelques jours passés dans l'entreprise, les arrivants tournent sur tous les postes, explique-t-elle. Cela leur permet de savoir ce que font leurs collègues et, à terme, favorise une meilleure communication entre les services. "
Lorsque le navire tangue, c'est aussi l'occasion d'inventer de nouvelles façons de diriger. C'est ainsi que Bretagne Ateliers, une entreprise de sous-traitance industrielle, a profité d'une période difficile pour remettre à plat son système de management. " En 1995, on a été touché par la crise du secteur automobile, se souvient Daniel Lafranche, son directeur général. On s'est alors intéressé aux méthodes de travail utilisées au Japon, qui misent sur le long terme et l'implication des salariés. "
" Pas de tabou "
Partant de cette idée, l'entreprise a mis en place un système de management participatif fondé sur le principe de la pyramide inversée : " Ce sont les opérateurs qui détectent les problèmes et les résolvent sans intervention de la hiérarchie, indique M. Lafranche. Il y a quelque temps, par exemple, des salariés qui ressentaient des brûlures sur leur poste de travail l'ont eux-mêmes fait évoluer pour éviter les endroits de chauffe. "
Toute l'entreprise est concernée, y compris le sommet de la hiérarchie : " Des salariés sont invités à présenter leurs projets au comité exécutif, indique M. Lafranche. Il n'y a pas de tabou, tout peut être mis sur la table. " De l'avis du dirigeant, cette initiative a sauvé l'entreprise. " Cette démarche a responsabilisé les gens et favorisé la capacité d'initiative. Ce qui fait qu'un client est satisfait, ce sont d'abord les salariés. " Une vérité parfois oubliée.
Catherine Quignon
© Le Monde 2/09/2014

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